Rapport spécial
13 2018

Lutte contre la radicalisation conduisant au terrorisme: la Commission a répondu aux besoins des États membres, mais la coordination et l'évaluation présentent certaines lacunes

En ce qui concerne le rapport La radicalisation désigne le phénomène par lequel des personnes adhèrent à des idées pouvant les conduire à commettre des actes terroristes. La Commission soutient les efforts déployés par les États membres pour s'attaquer à la radicalisation, par exemple grâce à l'échange de bonnes pratiques. Elle s'appuie, pour ce faire, sur un large éventail de fonds de l'UE. Nous avons examiné si la Commission gérait correctement ce soutien. Nous avons constaté qu'elle répondait aux besoins des États membres et qu'elle encourageait la coopération au moyen d'initiatives pertinentes telles que le réseau de sensibilisation à la radicalisation. Cependant, nous avons relevé des lacunes dans la coordination globale assurée par la Commission pour les actions de lutte contre la radicalisation, ainsi que dans le cadre qu'elle a mis en place pour évaluer l'efficacité de son aide. C'est pourquoi nous formulons plusieurs recommandations destinées à améliorer le cadre d'évaluation des résultats ainsi que la coordination assurée par la Commission, afin que cette dernière puisse tirer le meilleur parti des synergies potentielles.

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Synthèse

I

Les États membres de l'Union européenne (UE) sont responsables de leur sécurité nationale, y compris de la lutte contre le terrorisme. Ils sont chargés de concevoir et de mettre en œuvre au niveau national des mesures qui visent à s'attaquer à la radicalisation, à savoir le phénomène par lequel des personnes adhèrent à des idéologies et comportements extrémistes pouvant conduire à commettre des actes terroristes. Étant donné que la radicalisation peut être due à plusieurs facteurs, une large gamme de mesures préventives sont généralement mises en œuvre pour traiter ce problème. Le rôle de la Commission consiste à soutenir les efforts des États membres et à assurer l'échange de bonnes pratiques. Pour ce faire, la Commission s'appuie sur un éventail de plus en plus large de fonds de l'UE.

II

Lors de notre audit, nous avons examiné si la Commission gère bien ce soutien transversal. Nous avons notamment évalué si:

  1. la Commission fournit une aide pertinente aux États membres;
  2. les actions bénéficiant des différents financements de l'UE sont coordonnées afin de tirer le meilleur parti de toutes les synergies possibles;
  3. la Commission a mis en place un cadre pour apprécier l'efficacité de l'aide qu'elle apporte et pour vérifier si les fonds sont utilisés de façon optimale.
III

Dans l'ensemble, nous avons constaté que la Commission a répondu aux besoins des États membres, mais aussi que la coordination et l'évaluation présentaient certaines lacunes.

IV

La Commission a encouragé la coopération entre États membres au moyen d'initiatives pertinentes, telles que le réseau de sensibilisation à la radicalisation (ci-après le «RSR»), le forum de l'UE sur l'internet et le réseau européen des communications stratégiques.

V

La Commission a coordonné son soutien transversal, notamment grâce à la concertation entre ses directions générales lors de l'approbation des programmes de travail, ce qui a permis de créer des synergies entre ses actions. Malgré des améliorations apportées récemment, la coordination des actions de la Commission peut toutefois encore être améliorée. À titre d'exemple, la Commission dispose d'une vue d'ensemble des actions financées par l'UE dans ce domaine, mais pas de celles gérées par les États membres, ce qui serait utile pour tirer le meilleur parti des synergies potentielles. Nous avons également constaté que le RSR, l'une des principales initiatives de la Commission, n'a pas été pleinement mis à profit pour diffuser les résultats de projets réussis financés par l'UE.

VI

La Commission n'a pas suffisamment développé le cadre permettant d'évaluer si l'aide est efficace et si l'utilisation des fonds est optimale. Elle n'a par exemple pas décliné les objectifs stratégiques généraux en des objectifs plus spécifiques et mesurables, et les fonds qu'elle utilise ne sont assortis d'aucun indicateur ou objectif chiffré permettant de mesurer la réussite en matière de lutte contre la radicalisation.

VII

En outre, les réalisations obtenues grâce à des actions spécifiques sont souvent mesurées en volume d'activité plutôt que sous l'angle de l'efficacité. Dès lors, le risque existe que les enseignements utiles ne soient pas diffusés ou qu'ils ne soient pas pris en considération lorsque la Commission concevra des actions ou développera ultérieurement sa stratégie.

VIII

Sur la base de ses constatations, la Cour recommande à la Commission:

  1. d'améliorer le cadre pour la coordination globale des actions de lutte contre la radicalisation;
  2. d'augmenter le soutien pratique apporté aux acteurs de terrain et aux responsables politiques dans les États membres;
  3. d'améliorer le cadre d'évaluation des résultats.

Introduction

L'UE soutient les efforts déployés par les États membres pour lutter contre le terrorisme

01

Les États membres sont responsables de leur sécurité nationale1. Ils ont mis au point différentes approches pour lutter contre le terrorisme, en fonction de leur évaluation des risques qu'il représente. Le rôle de l'UE est d'œuvrer pour assurer un niveau élevé de sécurité2 en facilitant les échanges d'informations, la coopération opérationnelle et le partage des connaissances et expériences. En 2005, le Conseil a adopté une stratégie de l'UE en matière de lutte contre le terrorisme, organisée autour des quatre piliers suivants3:

  1. prévention: s'attaquer aux causes de la radicalisation et du recrutement de terroristes;
  2. protection: protéger les citoyens et les infrastructures en renforçant la sécurité des frontières, des transports et des infrastructures critiques;
  3. poursuite: enquêter sur les terroristes et les poursuivre, en empêchant la planification, les déplacements et les communications, en désorganisant les réseaux de soutien, en empêchant l'accès aux financements et au matériel nécessaire à la réalisation des attentats, ainsi qu'en traduisant les terroristes en justice;
  4. réaction: faire face aux conséquences d'un attentat terroriste et les atténuer le plus possible.
02

Le programme européen en matière de sécurité de 20154 indiquait comment l'UE pouvait aider les États membres à lutter contre le terrorisme. Il mettait l'accent sur la prévention de la radicalisation et sur la menace représentée par les combattants terroristes étrangers (ceux qui reviennent en Europe après avoir grossi les rangs de groupes terroristes dans les zones de conflit). Il insistait sur la nécessité de mieux protéger les citoyens et les infrastructures critiques et de lutter contre le terrorisme en dehors de l'UE. Il soulignait qu'il importe de sanctionner les terroristes et leurs complices, ainsi que de les empêcher d'accéder à des financements et de se procurer des armes à feu et des explosifs. Il mettait également en exergue la nécessité de mieux échanger les informations afin de surveiller les individus qui se livrent à des activités terroristes.

03

Divers organes et institutions de l'UE participent à la lutte antiterroriste menée par celle-ci. Par ses communications, la Commission contribue à la stratégie de l'UE adoptée par le Conseil sous la forme de conclusions. Elle utilise également son droit d'initiative pour élaborer des propositions d'actes législatifs sur la lutte antiterroriste, qui sont transmises au Parlement européen et au Conseil pour négociation et adoption5. Elle est responsable de la bonne gestion financière des fonds de l'UE, ainsi que de la coordination de ses différentes directions générales et du suivi de l'assistance que ses agences apportent aux États membres. Le commissaire chargé de l'union de la sécurité travaille sous la direction du premier vice-président et soutient les travaux du commissaire responsable de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté dans la mise en œuvre des mesures de sécurité prises par la Commission en réponse au terrorisme. Le rôle du coordinateur du Conseil pour la lutte contre le terrorisme consiste à assurer le suivi de la mise en œuvre globale de la stratégie de l'UE en matière de lutte contre le terrorisme, ainsi qu'à veiller à ce que l'UE joue un rôle actif dans cette lutte.

La Commission déploie une large gamme d'actions afin d'aider les États membres à lutter contre la radicalisation

04

La lutte contre la radicalisation est un volet essentiel du combat contre le terrorisme. La majorité des suspects impliqués dans les récents attentats en Europe étaient des citoyens européens qui se sont radicalisés6. Dans ses communications sur le soutien apporté aux États membres dans la lutte contre la radicalisation conduisant au terrorisme7, la Commission estime que la radicalisation est généralement le résultat d'une combinaison de facteurs. Dans sa dernière communication, elle décrit de multiples facteurs d'«incitation» (par exemple la marginalisation et l'exclusion), ainsi que des facteurs idéologiques d'«attraction» (entre autres, l'utilisation à mauvais escient de récits religieux par les recruteurs pour justifier le recours à des actes de violence).

05

La Commission est d'avis qu'apporter une aide aux États membres en la matière représente un défi complexe et pluridimensionnel, qui ne peut être relevé qu'en combinant différentes actions dans plusieurs domaines et en réunissant les parties prenantes aux niveaux local, régional, national et européen8. Les financements de ces actions proviennent de différentes sources, telles que le Fonds pour la sécurité intérieure, le programme «Horizon 2020», le programme «Justice», Erasmus+ et le Fonds social européen (FSE). Aucun de ces fonds et programmes ne comporte la lutte contre la radicalisation parmi ses objectifs spécifiques. Les diverses actions de la Commission sont gérées par huit de ses directions générales, par Europol, par Eurojust et par les États membres (voir annexe). La figure 1 présente l'approche utilisée par la Commission pour aider les États membres à lutter contre la radicalisation.

Figure 1

Comment la Commission aide les États membres à lutter contre la radicalisation

Source: Cour des comptes européenne.

06

Le programme «Horizon 2020» prévoit l'octroi de subventions de recherche pour développer les connaissances relatives à la radicalisation. Les tendances actuelles en matière de radicalisation et la mise en place d'une approche globale de la radicalisation violente figurent parmi les thèmes de recherche. Les échanges de bonnes pratiques s'effectuent dans le cadre d'initiatives telles que le réseau de sensibilisation à la radicalisation (ci-après le «RSR») (voir encadré 1).

Encadré 1

Réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR)

Le RSR a été mis en place en 2011. Il met en relation des acteurs de terrain de toute l'Europe (psychologues, enseignants, assistants sociaux, policiers, agents pénitentiaires et agents de probation) qui travaillent directement auprès des individus vulnérables à la radicalisation ou déjà radicalisés. Il vise à aider les intervenants de première ligne (plutôt que les responsables politiques et les universitaires) et à les doter de moyens d'action, pour lutter contre la radicalisation ou pour œuvrer à la réintégration des extrémistes violents. Pour ce faire, le réseau s'efforce:

  • de promouvoir les échanges d'expériences, par exemple lors de réunions et de conférences;
  • d'encourager l'utilisation d'outils pratiques pertinents;
  • de diffuser les informations et l'expertise.

Le centre d'excellence du RSR assure la coordination de ce dernier et lui apporte un soutien. Il utilise son expertise pour orienter les neuf groupes de travail du RSR (des groupes thématiques au sein desquels des acteurs de terrain se réunissent pour échanger des idées, des connaissances et des expériences), offrir un soutien sur mesure (par exemple sous la forme d'ateliers et de cours de formation) à différents pays et diffuser les connaissances et les pratiques. Géré par un contractant, le centre est financé au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, pour un montant total de 25 millions d'euros sur la période 2015-2019.

07

La lutte contre la propagande terroriste en ligne est assurée, entre autres, par l'unité de l'UE chargée du signalement des contenus sur internet (ci-après «l'EU IRU») établie au sein d'Europol, par le forum de l'UE sur l'internet et par le réseau européen des communications stratégiques (voir encadré 2).

Encadré 2

La lutte contre la propagande terroriste

L'unité de l'UE chargée du signalement des contenus sur internet (EU IRU)

L'EU IRU a été créée le 1er juillet 2015 et fait partie du centre européen de lutte contre le terrorisme (ECTC) d'Europol. Elle était dotée d'un budget de 4,5 millions d'euros pour 2017.

Elle vise à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes sur internet, en signalant les contenus terroristes en ligne et en alertant les fournisseurs de services qui les hébergent, tels que YouTube (Google), Microsoft, Facebook et Twitter, au moyen d'une évaluation qui leur permettra de décider s'il convient de retirer ces contenus. En accord avec les États membres, cette unité centre son attention sur la propagande terroriste islamiste, qui a un caractère transfrontalier.

L'EU IRU apporte également une expertise en matière de communications par internet, afin d'appuyer les enquêtes des États membres, et fournit une analyse stratégique pour déceler les menaces terroristes.

Forum de l'UE sur l'internet

En décembre 2015, la Commission a lancé le forum de l'UE sur l'internet, financé au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure. Lors de réunions et de conférences, le forum réunit des autorités publiques, Europol, des entreprises de l'internet, le coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, le réseau européen des communications stratégiques et le RSR. Le forum vise deux objectifs:

  • réduire l'accessibilité des contenus à caractère terroriste en ligne;
  • donner aux partenaires de la société civile les moyens d'accroître le volume de discours alternatifs efficaces en ligne.

Réseau européen des communications stratégiques

Le réseau européen des communications stratégiques réunit des experts provenant des États membres pour échanger des bonnes pratiques concernant les communications stratégiques. Son équipe de conseil fournit aux autorités publiques des avis sur l'élaboration d'une stratégie de communication et sur l'organisation de campagnes de contre-discours9. Des subventions d'un montant de 2,2 millions d'euros ont été octroyées au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, afin de financer les activités de ce réseau pendant la période allant de janvier 2015 à septembre 2017.

08

La promotion de sociétés inclusives et résilientes s'effectue dans le cadre de projets financés au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, tels que Stresaviora (voir encadré 3). En outre, des projets financés par Erasmus+ et le Fonds social européen visent également à renforcer la résilience ainsi qu'à venir en aide aux populations défavorisées. Bien qu'ils aient des objectifs beaucoup plus vastes et qu'ils ne soient pas spécifiquement conçus pour s'attaquer à la radicalisation, ils contribuent indirectement à prévenir celle-ci.

Encadré 3

Stresaviora

Le projet Stresaviora I a rassemblé des chercheurs qui ont mis en évidence la nécessité pour les jeunes de devenir plus résilients, d'exprimer leurs propres opinions, d'entamer des débats et de résister par eux-mêmes. Le projet a inclus les personnes de leur environnement social direct (par exemple les parents, les enseignants et les agents de police) qu'il convenait de sensibiliser.

Stresaviora II vise à mettre en œuvre les outils de renforcement de la résilience développés pendant la première phase du projet dans deux villes de chacun des cinq pays de l'UE participants (la Belgique, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède). Le projet concerne toutes les formes de radicalisation (et pas uniquement celle à caractère islamiste) et pourrait être étendu à d'autres zones d'Europe dont les besoins sont différents. Il bénéficie d'un financement de 0,7 million d'euros au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure.

09

En facilitant les échanges d'informations entre leurs services répressifs (par exemple dans le cadre du système d'information Schengen), la Commission aide les États membres à identifier les individus radicalisés et à les prendre en charge. Elle soutient aussi l'élaboration de stratégies de sortie afin d'aider les personnes à se désengager des groupes radicalisés et à réintégrer la société grâce à des projets de réinsertion et de déradicalisation financés par le programme «Justice».

10

La radicalisation dans des pays situés en dehors de l'Europe est traitée par des mesures de lutte antiterroriste à part entière ou intégrées dans d'autres actions, telles que des programmes financés par les Fonds européens de développement, Erasmus+, l'instrument européen de voisinage ou l'instrument contribuant à la stabilité et à la paix.

Étendue et approche de l'audit

Étendue de l'audit

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Nous avons examiné si la Commission a bien géré l'aide qu'elle a apportée aux États membres dans la lutte contre la radicalisation conduisant au terrorisme. Notre but était de répondre aux questions ci-après.

  1. La Commission fournit-elle une aide pertinente aux États membres?
    Afin de répondre à cette question, nous avons évalué si les objectifs stratégiques et les actions de la Commission ont été conçus en tenant compte des besoins des États membres.
  2. Les actions bénéficiant des différents financements de l'UE sont-elles coordonnées afin de tirer le meilleur parti de toutes les synergies possibles?
    Pour répondre à cette question, nous avons évalué si la Commission disposait des procédures nécessaires pour coordonner cette aide.
  3. La Commission a-t-elle mis en place un cadre pour évaluer l'efficacité de l'aide qu'elle apporte et pour vérifier si les fonds sont utilisés de façon optimale?
    Pour répondre à cette question, nous avons examiné si la Commission avait mis en place le cadre nécessaire, assorti d'indicateurs et de rapports, pour apprécier si sa stratégie est efficace et si elle permet une utilisation optimale des fonds. Nous avons également examiné si les évaluations des actions individuelles servaient à mesurer non seulement le niveau d'activité, mais également l'efficacité.
12

Notre audit a porté essentiellement sur les actions menées à partir de 2014, afin de coïncider avec le début de la période de financement 2014-2020 pour les Fonds et programmes de la Commission.

13

Nous avons centré notre attention principalement sur la gestion de celles mises en œuvre au sein de l'UE dont l'objectif premier était la prévention et la lutte contre la radicalisation, mais nous avons également tenu compte d'actions aux objectifs plus vastes, comme l'inclusion sociale de groupes défavorisés. Nous n'avons pas examiné les systèmes d'information (par exemple le système d'information Schengen) destinés à l'échange de données détaillées entre les États membres sur les individus radicalisés.

Approche d'audit

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Nous avons réalisé nos travaux d'audit sur le terrain entre novembre 2016 et mars 2017. Nous avons fondé nos observations sur les sources d'éléments probants suivantes:

  1. un examen de la documentation sur les stratégies, procédures et actions liées au soutien apporté aux États membres dans la lutte contre la radicalisation;
  2. des entretiens avec des agents des directions générales de la Commission qui gèrent des fonds et outils de l'UE permettant de lutter contre la radicalisation, du centre d'excellence du RSR, de l'EU IRU d'Europol, ainsi que du Centre international de lutte contre le terrorisme (une organisation qui encourage le partage de connaissances et d'idées en la matière);
  3. une enquête que nous avons menée auprès des correspondants en matière de lutte contre le terrorisme dans toutes les représentations permanentes des États membres auprès de l'UE. Quinze des 28 correspondants en matière de lutte contre le terrorisme ont répondu à l'enquête, ce qui représente un taux de réponse de 54 %. L'enquête comportait des questions sur la pertinence et la valeur ajoutée de l'aide octroyée aux États membres ainsi que sur les difficultés qui y sont liées;
  4. des visites auprès des autorités nationales en Belgique et en France, afin d'évaluer la pertinence et la valeur ajoutée de l'aide dont elles bénéficient.

Observations

L'aide est pertinente et bien conçue

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Nous avons examiné le cadre d'action mis en place par la Commission afin de vérifier si elle a répondu aux besoins des États membres et s'il existait des lacunes. Nous avons également examiné si les actions étaient conçues de façon à ce que le fait d'intervenir au niveau européen apporte des avantages aux États membres.

La Commission a répondu aux besoins des États membres, à quelques exceptions près

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Les responsables politiques des États membres peuvent indiquer à la Commission dans quels domaines ils ont besoin d'aide pour lutter contre la radicalisation. Ils transmettent ces informations dans différents documents, dans le cadre de réseaux ou lors de réunions (par exemple au sein du groupe de travail du Conseil sur le terrorisme, dans le cadre du réseau des responsables nationaux des politiques de prévention lancé en février 2017 ou dans des conclusions du Conseil), ou encore lors de l'approbation de programmes de travail relatifs à des fonds de l'UE. Nous avons constaté que la Commission a tenu compte des besoins exprimés par les responsables politiques des États membres lorsqu'elle a élaboré son projet de cadre d'action pour la lutte contre la radicalisation (voir encadré 4).

Encadré 4

Exemples de cas où la Commission a tenu compte des besoins exprimés par les États membres

En novembre 2015, les ministres des États membres en charge de la justice et des affaires intérieures se sont appuyés sur les conclusions du Conseil de l'Union européenne pour appeler la Commission à soutenir les États membres dans la lutte contre la radicalisation en milieu carcéral. En réponse à cet appel, la Commission a fait de ce sujet l'un des thèmes centraux de sa communication de 2016 intitulée «Soutien à la prévention de la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent».

À la suite des attentats terroristes qui ont frappé Paris et le Danemark au début de l'année 2015, les ministres de l'UE en charge de l'éducation ont publié en mars 2015 la déclaration de Paris sur la promotion de l'éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination. Dans la lignée de cette déclaration, la communication de 2016 sur le soutien à la prévention de la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent a davantage mis l'accent sur la lutte contre l'exclusion sociale.

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Le soutien de la Commission a changé, tout comme les besoins des États membres, en raison de l'évolution de la menace. Lorsqu'elle modifie son soutien, la Commission tient compte des travaux d'organismes européens tels qu'Europol, qui lui fournit des informations concernant l'état de la menace dans les États membres (voir encadré 5).

Encadré 5

L'aide de la Commission a changé en fonction de la menace

En réaction aux attentats terroristes perpétrés récemment en Europe et à la suite de l'analyse réalisée par Europol, la Commission a souligné, dans sa communication de 2016 sur le «soutien à la prévention de la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent», le danger que représente le retour de combattants terroristes étrangers (individus ayant quitté leur foyer dans l'UE pour se rendre dans d'autres pays, par exemple les zones de conflit en Syrie et en Iraq, dans le but de participer à des combats ou à des entraînements à des fins terroristes). Dans cette communication, la Commission prévoit de renforcer le soutien à l'élaboration de stratégies de sortie afin d'aider les individus à se désengager des groupes radicalisés et à réintégrer la société.

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Étant donné que la Commission tient compte des besoins exprimés par les États membres, le cadre d'action concentre l'aide qu'elle leur octroie sur des domaines pertinents. La plupart des participants à notre enquête ont jugé que l'aide apportée par la Commission aux États membres dans les différents domaines était pertinente (voir figure 2). Le pourcentage varie entre 64 % et 80 %, en fonction du domaine. L'annexe montre que la Commission a non seulement ciblé des domaines pertinents dans son cadre d'action, mais qu'elle a également utilisé les différents fonds de l'UE pour mener des actions qui traitent effectivement et concrètement de ces domaines.

Figure 2

Pertinence de l'aide apportée par la Commission

Source: Enquête adressée par nos auditeurs aux représentations permanentes des États membres auprès de l'UE.

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Cependant, dans certains cas exceptionnels, les besoins n'ont pas été suffisamment pris en considération:

  1. les autorités belges nous ont informés que le cadre d'action n'a pas suffisamment abordé la question des médias traditionnels (télévision, radio et presse). Elles considéraient qu'il était important d'inclure cette question dans le cadre d'action afin de faciliter la réflexion sur le rôle joué par les médias pour ce qui est non seulement d'encourager des individus à quitter l'Europe pour combattre en Syrie, mais aussi de contribuer à la polarisation de la société, ce qui est susceptible de créer des tensions conduisant à la radicalisation;
  2. la nécessité de définir des stratégies de sortie (voir encadré 5) n'a pas été suffisamment prise en considération dans la pratique. En 2014, la Commission a lancé un appel à propositions pour des projets à financer au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure. Cet appel visait deux priorités: la prévention contre la radicalisation et l'élaboration de stratégies de sortie. Or seuls des projets relatifs au premier objectif de prévention contre la radicalisation ont obtenu un financement, car ils avaient été mieux classés. Les programmes annuels de 2015 et de 2016 concernant le volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure ne comportaient aucun nouvel appel à propositions pour élaborer des programmes portant sur des stratégies de sortie.

L'aide est conçue de façon à ce que le fait d'intervenir au niveau européen apporte des avantages aux États membres

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La Commission cible les domaines pertinents, mais elle utilise également les fonds et outils de l'UE pour apporter concrètement aux États membres une aide conçue de façon à ce que le fait d'intervenir au niveau européen apporte des avantages. Le RSR (voir encadré 1), le forum de l'UE sur l'internet, le réseau européen des communications stratégiques et l'EU IRU d'Europol (voir encadré 2) sont des exemples de la forme que peut prendre cette aide. Ces initiatives, qui ciblent spécifiquement la radicalisation, encouragent la coopération entre les États membres et ne seraient pas mises en œuvre du tout, ou pas aussi efficacement, si les États membres agissaient séparément.

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Les programmes nationaux relevant du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, gérés par les États membres, sont aussi conçus de manière à ce que le fait d'intervenir au niveau européen apporte des avantages en renforçant les normes nationales pour réduire les disparités et en stimulant les synergies entre États membres. En tout, 18 États membres ont prévu des actions spécifiques de lutte contre la radicalisation dans leurs programmes nationaux. Ainsi, la Belgique a financé des projets destinés à accroître la sensibilisation au problème de la radicalisation en milieu carcéral, à soutenir un réseau d'assistance aux familles vulnérables et à financer des équipes pluridisciplinaires mobiles pour analyser les besoins des autorités locales et pour proposer des stratégies locales.

La Commission favorise les synergies, mais la coordination pourrait être améliorée

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La Commission apporte un soutien de plus en plus actif aux États membres dans leur lutte contre la radicalisation. Quatorze des quinze participants à notre enquête (voir point 14) ont estimé que la Commission était à présent plus active qu'il y a cinq ans. Il convient d'assurer une coordination efficace, en raison de la diversité des actions de la Commission, qui font intervenir divers fonds gérés par huit directions générales et sont réparties entre différents domaines stratégiques (voir point 5). Nous avons donc vérifié si la Commission coordonne ses actions de façon à maximiser les synergies. Nous avons examiné les procédures de consultation des différentes directions générales préalables à l'octroi des financements de l'UE. Nous avons également passé en revue les principales actions bénéficiant de différents financements de l'UE, afin de dégager des synergies, puis examiné si la Commission dispose d'une vue exhaustive de toutes ses actions de lutte contre la radicalisation, indispensable pour tirer le meilleur parti des synergies potentielles. Nous avons notamment vérifié si la Commission a pleinement exploité le RSR, par exemple pour diffuser les résultats des actions financées par l'UE.

La Commission favorise les synergies

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L'annexe montre que différentes actions de la Commission peuvent traiter de questions similaires. Étant donné que la Commission est de plus en plus active dans ce domaine, des synergies sont possibles, en particulier lorsque des actions se recoupent. Voici deux exemples de situations de ce type:

  1. le financement en faveur de la formation d'enseignants octroyé aux États membres au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure pourrait servir à traiter des questions similaires à celles portées par les projets relevant du programme Erasmus+;
  2. les projets de formation et de sensibilisation du personnel pénitentiaire financés par le programme «Justice» pourraient aborder des questions similaires à celles traitées par des projets relevant du programme Erasmus+ ou du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure.
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La Commission dispose d'un certain nombre de procédures pour faciliter la coordination, afin de maximiser les synergies et d'éviter que les aides fassent double emploi (voir encadré 6).

Encadré 6

Exemples de procédures de la Commission destinées à faciliter la coordination

Dans le cadre du processus appelé «consultation interservices», plusieurs directions générales collaborent pour approuver des programmes de travail annuels qui définissent les actions prévues dans le cadre des fonds de l'UE. Certains programmes de travail annuels exigent que les projets complètent d'autres actions. En voici deux exemples:

  • le programme de travail annuel 2016 pour le programme «Justice» disposait que les actions devaient être cohérentes, complémentaires et présenter des synergies avec celles bénéficiant d'autres sources de financement de l'UE, y compris le volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, Erasmus+ et «Horizon 2020»;
  • le programme de travail annuel 2016 pour les actions relevant du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure gérées de manière centralisée par la Commission disposait que les projets devaient assurer la complémentarité avec les activités d'Europol.

Il se peut que des appels à propositions (procédures invitant à présenter des propositions de projets en vue d'un financement) obligent les soumissionnaires à démontrer l'absence de double emploi avec des initiatives existantes. À titre d'exemple, dans le cadre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, l'appel à propositions de 2014 concernant la prévention contre la radicalisation imposait aux soumissionnaires de prouver que les propositions ne faisaient pas double emploi avec des travaux, initiatives et projets existants, y compris les activités du RSR.

25

Nous avons examiné des actions menées dans divers domaines et financées par des sources différentes. Nous avons constaté que la coordination assurée par la Commission a donné lieu à des synergies entre ses actions. À titre d'exemple, le RSR est utilisé pour diffuser les résultats d'autres projets financés par l'UE (voir encadré 7). La figure 3 comporte d'autres exemples. Elle présente plusieurs actions financées par trois instruments de l'UE et montre que des synergies existent tant entre actions financées par le même instrument qu'entre les instruments eux-mêmes. La Commission a par exemple utilisé le 7e programme-cadre (le programme de recherche qui a précédé «Horizon 2020») pour financer le projet de recherche Impact10 portant sur le développement d'outils d'évaluation des actions relatives à la radicalisation. Ces outils ont été utilisés dans le cadre du projet Stresaviora, financé au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, qui a ensuite été étendu à un plus large public et diffusé dans le cadre d'un projet financé par Erasmus+.

Encadré 7

Le recueil du RSR: un exemple de synergie entre projets financés par l'UE

Le recueil d'approches et de pratiques élaboré par le RSR (RAN Collection), qui a été régulièrement actualisé depuis 2014, comporte des informations détaillées sur des projets de lutte contre la radicalisation mis en œuvre dans l'UE et transposables dans d'autres contextes. Chacun de ces projets a été soumis pour examen par les pairs à un groupe de travail du RSR, avant d'être approuvé par le comité de pilotage de ce dernier. Le recueil du RSR comporte 108 pratiques, dont 16 découlent de projets financés par l'UE.

Figure 3

Exemples de synergies entre des actions de la Commission concernant la lutte contre la radicalisation

Source: Cour des comptes européenne.

La coordination présente certaines lacunes

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Bien que la Commission soit en mesure d'établir et d'exploiter de nombreux liens entre les actions, la coordination globale présente les lacunes suivantes:

  1. la planification des différents financements octroyés par l'UE et l'établissement de rapports les concernant relèvent de la responsabilité de différentes directions générales (voir annexe). La DG Éducation et culture est par exemple chargée d'assurer la coordination des projets financés par Erasmus +, alors que la DG Justice et consommateurs coordonne ceux relevant du programme «Justice». La DG Migration et affaires intérieures joue le rôle de chef de file pour l'élaboration du cadre d'action de la Commission et le suivi de sa mise en œuvre11. Jusqu'en 2017, aucun cadre n'avait toutefois été mis en place pour coordonner l'ensemble des actions de l'UE en matière de lutte contre la radicalisation afin de dégager d'éventuelles synergies entre les financements;
  2. la DG Migration et affaires intérieures n'a procédé qu'en 2017 à une cartographie des projets de lutte contre la radicalisation financés par l'UE. En d'autres termes, la Commission ne disposait jusqu'à cette date d'aucune liste consolidée des actions de lutte contre la radicalisation financées par les différents instruments de l'UE. Ce processus de cartographie a lui-même été limité aux actions gérées de manière centralisée par la Commission, sans tenir compte de celles menées par les États membres dans le cadre de leurs programmes nationaux.
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Les entretiens avec des représentants de l'EU IRU d'Europol et du réseau européen des communications stratégiques ont permis de recenser des possibilités d'améliorer la coordination entre actions financées par l'UE:

  1. Europol a suggéré qu'un renforcement des synergies était possible moyennant une coordination du calendrier et du contenu des campagnes de contre-discours avec le retrait des contenus terroristes de l'internet;
  2. le réseau européen des communications stratégiques a suggéré qu'il pourrait s'avérer utile pour lui d'avoir accès à l'analyse réalisée par Europol sur les tendances dans la propagande terroriste (dans la mesure où cela est autorisé en vertu de l'accord administratif entre la Commission et Europol), ainsi que d'être davantage associé à VOX-Pol12, un projet de recherche financé par l'UE. Ces informations lui permettraient de fournir aux autorités publiques de meilleurs conseils sur l'élaboration de stratégies de communication et sur l'organisation de campagnes de contre-discours.

Le RSR n'est pas pleinement exploité

28

Bien que le RSR permette, par son intervention au niveau européen, d'apporter des avantages utiles, nous avons constaté que cette valeur ajoutée n'est pas maximisée dans la pratique13.

  1. le RSR pourrait produire des réalisations plus concrètes, entre autres en analysant les pratiques dans les États membres (par exemple, par des visites plus fréquentes sur le terrain) et en établissant un inventaire comparatif détaillé des approches mises en œuvre dans chacun d'entre eux. Dans sa communication de 2014 sur la prévention contre la radicalisation conduisant au terrorisme, la Commission considérait que le recueil du RSR, publié pour la première fois en 2014, était un répertoire de bonnes pratiques. Dans l'introduction au recueil du RSR, il est toutefois précisé que les pratiques qui y sont incluses ont pour seul objectif d'informer et d'inspirer. En outre, nous avons constaté que les entrées du recueil ne présentent pas suffisamment d'informations sur la manière dont les projets ont été financés pour permettre aux parties intéressées de repérer les sources potentielles de financement de l'UE pour les types de projets qu'elles envisagent;
  2. la Commission n'a pas analysé pourquoi certains pays utilisent moins le RSR que d'autres (voir figure 4). Les raisons suivantes peuvent expliquer ces divers degrés d'utilisation: les différentes perceptions des pays concernant la menace que représente le terrorisme, l'accent mis par le RSR sur certains types de terrorisme, son approche ascendante (à savoir faire remonter les points de vue des acteurs de terrain jusqu'aux responsables politiques) ou l'utilisation de l'anglais comme langue principale lors des réunions du réseau. Les variations des taux de participation des différents États membres dans le temps ne sont pas enregistrées;
  3. la Commission s'efforce de mieux faire connaître les projets financés par l'UE en encourageant ceux qui y participent à utiliser les groupes de travail du RSR pour diffuser les résultats. Elle a par exemple proposé la diffusion des résultats par l'intermédiaire du RSR pour 16 des 20 projets financés au titre de l'ISEC14, clôturés depuis 2011 (année de création du RSR) et qu'elle avait jugés bons, très bons ou excellents. Or nous avons constaté que cette diffusion n'a pas eu lieu dans la pratique pour plus de la moitié de ces projets. Au moment de notre audit, seuls sept d'entre eux (44 %) avaient effectivement été présentés dans le cadre d'un groupe de travail, d'un atelier ou d'une conférence du RSR;
  4. les autorités belges nous ont informés que les intervenants de terrain œuvrant au sein de petites organisations dépourvues de lien avec des autorités publiques (par exemple des réseaux de groupes locaux de mères de combattants étrangers) ne sont pas suffisamment associés aux travaux du RSR pour assurer une véritable approche ascendante;
  5. le RSR vise à améliorer la communication ascendante des acteurs de terrain vers les responsables politiques. Toutefois, moins de la moitié des participants à une enquête que le RSR a lui-même réalisée en 2016 auprès de ses intervenants ont estimé que ce réseau les avait aidés à influencer les responsables politiques. En outre, quatre participants à notre enquête ont suggéré que le lien entre le RSR et les responsables politiques pourrait être renforcé, par exemple par des échanges formels d'approches et d'idées. Le temps nécessaire pour que les besoins recensés au niveau des acteurs de terrain soient pris en considération dans le cadre d'action de la Commission est parfois trop long. À titre d'exemple, la question de la radicalisation en milieu carcéral a fait l'objet de discussions depuis 2011 entre les intervenants du groupe de travail «Prison et probation» du RSR (par exemple des agents pénitentiaires et de probation, des enseignants et des assistants sociaux). Il a toutefois fallu attendre 2015 pour que la Commission définisse des actions financées au titre du programme «Justice» qui visent spécifiquement à résoudre ce problème.

Figure 4

Participants aux groupes de travail du RSR depuis octobre 2015

Source: Cour des comptes européenne, sur la base de données transmises par la Commission.

Le cadre mis en place par la Commission pour évaluer les résultats n'est pas suffisamment développé

29

Nous avons examiné si la Commission disposait d'indicateurs de performance pour évaluer l'efficacité de son aide au niveau global et si des objectifs chiffrés réalistes avaient été fixés. Nous avons vérifié si des indicateurs permettent de mesurer non seulement le niveau d'activité, mais aussi les progrès réels dans la réalisation de l'objectif général, à savoir aider les États membres à lutter contre la radicalisation conduisant au terrorisme. Au niveau des actions individuelles, nous avons examiné si la Commission apprécie l'efficacité de son aide afin de déterminer ce qui fonctionne et dans quels domaines, ainsi que ce qui ne fonctionne pas et pour quelles raisons. La Commission a besoin de ces informations pour:

  1. répondre au Parlement européen qui lui demande d'évaluer la stratégie de l'Union visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement par les groupes terroristes15;
  2. améliorer et adapter en permanence sa stratégie et son aide, en fonction de l'évolution de la menace et des besoins des utilisateurs;
  3. diffuser et étendre à un public plus large les exemples de projets réussis afin de maximiser les synergies (et éviter la diffusion de résultats de projets inefficaces ou contreproductifs);
  4. démontrer aux citoyens que les initiatives sont susceptibles d'être efficaces.

La Commission n'évalue pas si elle est parvenue globalement à réaliser ses objectifs stratégiques

30

Nous avons constaté que la Commission n'avait pas suffisamment développé son cadre destiné à évaluer si sa stratégie de soutien aux États membres dans la lutte contre la radicalisation est efficace et si elle permet une utilisation optimale des fonds. À titre d'exemple, la Commission n'a pas:

  1. décliné les objectifs généraux de sa stratégie de lutte contre la radicalisation en des objectifs plus spécifiques et mesurables;
  2. défini des valeurs cibles et indicateurs appropriés pour les financements de l'UE utilisés, afin de mesurer la performance en matière de lutte contre la radicalisation;
  3. fourni une vue exhaustive des actions de lutte contre la radicalisation financées par l'UE (voir point 26);
  4. présenté l'ensemble des coûts de la lutte contre la radicalisation. La communication de 2014 sur la prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme ne comportait aucune information sur les montants des financements. La Commission a expliqué que les actions seraient mises en œuvre avec des ressources existantes, mais sans préciser lesquelles. La communication de 2016 intitulée «Soutien à la prévention de la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent» comprenait certaines informations sur les financements et les coûts, tout comme le document intitulé «Évaluation globale de la politique de sécurité de l'UE» de juillet 201716. Toutefois,
    1. certaines actions, comme les projets financés au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure, n'y figurent pas;
    2. les coûts de plusieurs actions ne sont pas quantifiés, notamment ceux de l'EU IRU, du forum de l'UE sur l'internet, du programme visant à renforcer les moyens d'actions de la société civile et du réseau européen des communications stratégiques;
    3. les informations relatives au financement pour les différentes actions portent sur des périodes différentes;
    4. aucune distinction n'est opérée entre les coûts des actions spécifiquement conçues pour lutter contre la radicalisation (par exemple les 25 millions d'euros alloués au centre d'excellence du RSR) et ceux des actions qui ne sont pas centrées sur la radicalisation, mais qui contribuent néanmoins à sa prévention (par exemple les 25,6 milliards d'euros octroyés par le Fonds social européen pour encourager l'inclusion sociale de groupes défavorisés).
31

Dès lors, il n'existe aucun rapport global couvrant les coûts et les résultats des actions de lutte contre la radicalisation financées par l'UE. Au contraire, ces questions sont couvertes par différents rapports, qui décrivent ce qui a été réalisé au lieu d'évaluer dans quelle mesure les objectifs stratégiques ont été atteints (voir encadré 8).

Encadré 8

Exemples de rapports qui décrivent ce qui a été réalisé au lieu d'évaluer dans quelle mesure les objectifs stratégiques ont été atteints

Le rapport final sur la mise en œuvre de la stratégie de sécurité intérieure de l'UE (2010-2014) a décrit ce qui a été fait pour aider les États membres dans la lutte contre la radicalisation, mais il ne comportait pas d'évaluation de l'efficacité17, par exemple pour les actions suivantes:

  • la mise sur pied du RSR en septembre 2011;
  • l'adoption de la communication de janvier 2014 sur la prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme;
  • la publication du recueil du RSR.

Dans le rapport annuel d'activité 2016 de la DG Migration et affaires intérieures, les tableaux de performance sur le volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure comportent des informations sur le nombre de contre-discours élaborés.

L'EU IRU fait périodiquement rapport sur la quantité de contenus à caractère terroriste retirés de l'internet.

La Commission n'est pas en mesure de démontrer le degré d'efficacité réel des différentes actions

32

Un accroissement de l'activité n'est pas nécessairement synonyme d'augmentation de l'efficacité. Nous avons constaté que les évaluations des actions de la Commission destinées à aider les États membres à lutter contre la radicalisation servent souvent à mesurer les réalisations en volume d'activité (par exemple le nombre de réunions organisées ou de documents établis) plutôt que sous l'angle de l'efficacité (par exemple les connaissances acquises par les participants au RSR, la manière de les appliquer et leur impact sur leur travail). Dans la récente «Évaluation globale de la politique de sécurité de l'UE», la nécessité d'apprécier les résultats et l'efficacité des actions qui visent à prévenir le terrorisme a également été soulignée. Par conséquent, la Commission n'est pas en mesure de démontrer le degré d'efficacité réel des actions de lutte contre la radicalisation financées par l'UE, comme cela est indiqué aux points suivants.

33

Des évaluations sont prévues pour les projets financés au titre du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure. Or, souvent, les projets ne sont assortis d'aucun indicateur relatif à l'efficacité. À titre d'exemple, pour trois18 des cinq propositions de projet retenues dans le cadre de l'appel à propositions de 2014 sur la radicalisation (voir point 19, sous b)) la Commission a considéré que les stratégies d'évaluation et de suivi étaient limitées, vagues ou basiques, et qu'elles ne comportaient pas suffisamment d'indicateurs permettant de mesurer l'efficacité réelle des projets.

34

Pour l'ISEC (le fonds qui a précédé le volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure), la Commission a examiné le rapport final19 relatif à chaque projet et décrit les résultats atteints en ce qui concerne les réalisations concrètes. Elle a également évalué la qualité des résultats. En d'autres termes, elle a vérifié s'ils étaient utiles et transposables et s'est interrogée sur l'opportunité et la façon de les diffuser. Toutefois, ces examens n'ont pas comporté d'évaluation des impacts des projets fondée sur des éléments probants. Étant donné qu'aucun indicateur relatif à l'efficacité n'était réellement inscrit dans les projets, ces examens ont consisté à recueillir le jugement de l'examinateur concernant l'efficacité probable des projets.

35

L'EU IRU d'Europol signale les contenus terroristes en ligne et en fait part aux fournisseurs de services qui les hébergent afin qu'ils puissent les retirer. La performance est mesurée en calculant la quantité et la proportion des contenus signalés qui sont retirées par les fournisseurs de services (voir figure 5). Ces statistiques présentent les limites suivantes:

  1. elles ne montrent pas la quantité de contenus retirée uniquement à la suite des actions de l'EU IRU. En effet, il se peut que l'EU IRU demande aux entreprises de l'internet de retirer des contenus de propagande terroriste qui ont également été signalés par les États membres20. Cela risque moins de se produire lorsque l'EU IRU examine la propagande présentée dans des langues autres que celles de l'UE (comme l'arabe, le russe ou le turc), qui est moins contrôlée par les unités nationales chargées du signalement des contenus sur internet. L'EU IRU ne dispose d'aucune information sur la quantité de contenus à caractère terroriste retirée par les entreprises de l'internet uniquement à sa demande, c'est-à-dire sans avoir également été signalés par ses homologues au niveau national, par la société civile ou par les entreprises de l'internet elles-mêmes. Ces dernières ne transmettent aucune information en retour sur les raisons pour lesquelles des contenus ont été retirés;
  2. elles ne prouvent pas l'efficacité en ce qui concerne la quantité de propagande terroriste qui reste sur internet. Les dix participants à notre enquête qui ont exprimé un avis à ce sujet ont estimé que l'un des défis auxquels l'EU IRU est confrontée est le fait que la propagande retirée est simplement remise en ligne ou déplacée sur d'autres plateformes (dans une sorte de jeu «du chat et de la souris»). Lors du forum de l'UE sur l'internet de décembre 2016 (voir encadré 2), les principales entreprises de l'internet ont présenté une initiative visant à favoriser la prévention contre la remise en ligne de la propagande. Les autorités françaises que nous avons rencontrées ont insisté sur la nécessité de prouver l'efficacité de ce mécanisme. Elles ont également souligné qu'il est difficile de trouver un juste équilibre entre rendre la propagande terroriste moins accessible sur internet et pousser les terroristes à recourir à des systèmes plus complexes et clandestins de messagerie, ce qui risque de compliquer les enquêtes;
  3. elles ne mesurent pas la rapidité d'intervention, par exemple le temps que l'EU IRU prend pour déceler le contenu suspect une fois qu'il a été téléchargé et le temps que les entreprises de l'internet prennent pour le retirer après avoir reçu le signalement.

Figure 5

Statistiques de l'EU IRU

Du 1er juillet 2015 au 1er juillet 2016 Du 1er juillet 2016 au 1er juin 2017
Propositions de signalement 9 787 20 174
Contenus retirés par les fournisseurs de services 8 949 16 143
Taux de réussite 91,4 % 80,0 %

Source: Europol – Unité de l'UE chargée du signalement des contenus sur internet, premier rapport annuel, et d'autres données communiquées par Europol.

36

La DG Migration et affaires intérieures définit des objectifs chiffrés détaillés pour le RSR dans le plan annuel d'activité, puis examine les progrès accomplis dans des rapports trimestriels et annuels sur l'état d'avancement. Toutefois, ces plans et rapports énumèrent simplement des activités, par exemple, le nombre de réunions, de participants, de documents ex ante, de visites d'étude, de séminaires, de conférences, de bulletins d'information, de cours de formation, d'ateliers, de documents stratégiques et de documents de réflexion. La Commission n'a pas demandé au centre d'excellence du RSR d'informations permettant de contrôler son efficacité, entre autres, en ce qui concerne la satisfaction des participants, les connaissances acquises, les contacts noués, la manière dont ces connaissances et contacts ont été utilisés et diffusés au sein des États membres, ainsi que leur impact sur le travail des participants ou sur les résultats de l'organisation (à titre d'exemple, le centre d'excellence aurait pu vérifier si la formation a vraiment aidé la police à repérer des individus radicalisés et à atténuer les risques qu'ils représentent). De sa propre initiative, le centre d'excellence du RSR a cependant réalisé des enquêtes qui ont permis de recueillir des informations sur le degré d'utilité de ses produits. Une enquête réalisée en août 2016 montre par exemple que près de 90 % des participants à des événements du RSR estimaient que cette participation aurait un impact positif sur leur travail quotidien.

Conclusions et recommandations

37

Les États membres sont responsables de leur sécurité nationale, y compris de la lutte contre le terrorisme. L'UE joue aussi un rôle en œuvrant pour assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures facilitant les échanges d'informations, la coopération opérationnelle, ainsi que le partage des connaissances et expériences. En 2005, l'UE a présenté sa stratégie de lutte contre le terrorisme, organisée autour de quatre piliers. Le premier pilier consiste à s'attaquer aux causes de la radicalisation et du recrutement de terroristes, afin d'empêcher que des individus se tournent vers le terrorisme. Étant donné que la radicalisation peut être due à plusieurs facteurs, une large gamme de mesures sont mises en œuvre pour traiter ce problème. C'est pourquoi la Commission s'appuie sur un éventail de plus en plus large de fonds de l'UE existants pour soutenir les États membres.

38

Lors de notre audit, nous avons examiné si la Commission a bien géré l'aide qu'elle a apportée aux États membres dans la lutte contre la radicalisation conduisant au terrorisme. Dans l'ensemble, nous avons constaté que la Commission a répondu aux besoins des États membres, mais aussi que la coordination et l'évaluation présentaient certaines lacunes.

39

La Commission a encouragé la coopération entre États membres au moyen d'initiatives pertinentes, telles que le réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR), le forum de l'UE sur l'internet et le réseau européen des communications stratégiques (voir points 15 à 21).

40

La Commission a coordonné son soutien transversal, notamment grâce à la concertation entre ses directions générales lors de l'approbation des programmes de travail, ce qui a permis de créer des synergies entre ses actions. Malgré des améliorations apportées récemment, la coordination des actions de la Commission peut toutefois encore être améliorée. À titre d'exemple, la Commission dispose d'une vue d'ensemble des actions financées par l'UE dans ce domaine, mais pas de celles gérées par les États membres, ce qui serait utile pour tirer le meilleur parti des synergies potentielles. Nous avons également constaté que le RSR, l'une des principales initiatives de la Commission, n'a pas été pleinement mis à profit pour diffuser les résultats de projets réussis financés par l'UE (voir points 22 à 28).

Recommandation n° 1

Améliorer le cadre pour la coordination globale des actions de lutte contre la radicalisation

La Commission devrait améliorer le cadre permettant d'assurer la coordination générale des actions financées par l'UE afin de soutenir les États membres dans la lutte contre la radicalisation. La Commission devrait notamment:

  1. inclure les principales actions financées par l'UE mais gérées par les États membres dans la liste des actions de lutte contre la radicalisation qui bénéficient d'un concours de l'Union. La Commission devrait régulièrement actualiser cette liste afin de maximiser les synergies, notamment lorsque différents fonds et instruments se recoupent. La liste devrait être mise à la disposition des candidats porteurs de projets;
  2. tirer le meilleur parti des synergies potentielles entre les actions de la Commission, en instaurant l'obligation formelle de recourir au RSR pour diffuser les résultats des projets réussis financés par l'UE.

Délai de mise en œuvre: juin 2019.

Recommandation n° 2

Augmenter le soutien pratique apporté aux acteurs de terrain et aux responsables politiques dans les États membres

La Commission devrait:

  1. améliorer la communication des acteurs de terrain vers les responsables politiques, par un échange régulier et structuré d'approches et d'idées;
  2. analyser la participation des acteurs de terrain des États membres au RSR, en examinant avec une attention particulière si les pays les moins actifs devraient être davantage impliqués;
  3. analyser la participation des acteurs de terrain au RSR, en veillant à ce que différents types de parties prenantes soient dûment représentés, y compris les réseaux d'organisations présentes sur le terrain mais dépourvues de lien avec les autorités publiques, afin de renforcer l'approche ascendante;
  4. apporter aux gestionnaires de projets de lutte contre la radicalisation un soutien pour évaluer si des pratiques sont efficaces et transposables, ainsi que d'accroître la pertinence du recueil du RSR en y incluant davantage d'informations sur l'efficacité des pratiques et sur le contexte dans lequel elles peuvent être transposées;
  5. inclure dans le recueil du RSR une explication claire de la façon dont les actions sont financées par l'UE.

Délai de mise en œuvre: juin 2019.

41

La Commission n'a pas suffisamment développé le cadre permettant d'évaluer si l'aide est efficace et si l'utilisation des fonds est optimale. Elle n'a, par exemple, pas décliné les objectifs stratégiques généraux en des objectifs plus spécifiques et mesurables, et les fonds qu'elle utilise dans la lutte contre la radicalisation ne sont assortis d'aucun indicateur ou objectif chiffré permettant de mesurer la réussite à cet égard (voir points 29 à 31).

42

En outre, les réalisations obtenues grâce à des actions spécifiques sont souvent mesurées en volume d'activité plutôt que sous l'angle de l'efficacité. Dès lors, le risque existe que les enseignements utiles ne soient pas diffusés ou qu'ils ne soient pas pris en considération lorsque la Commission concevra des actions ou développera ultérieurement sa stratégie (voir points 32 à 36).

Recommandation n °3

Améliorer le cadre d'évaluation des résultats

La Commission devrait évaluer si ses objectifs stratégiques sont remplis et veiller à ce que des éléments probants puissent montrer le degré réel d'efficacité des actions financées par l'UE. La Commission devrait notamment:

  1. effectuer les consultations et recherches nécessaires pour pouvoir définir des objectifs et indicateurs permettant d'évaluer la réussite de son action et de vérifier si les fonds ont été utilisés de façon optimale pour réaliser les objectifs stratégiques de l'aide qu'elle apporte aux États membres dans la lutte contre la radicalisation. Elle devrait ensuite faire régulièrement rapport sur les progrès globaux accomplis dans la réalisation des objectifs de sa stratégie de lutte contre la radicalisation, y compris sur les fonds de l'UE impliqués;
  2. demander au centre d'excellence du RSR de fournir des rapports plus détaillés sur son efficacité, concernant par exemple la satisfaction des participants, les connaissances acquises, les contacts noués, la manière dont ces connaissances et contacts ont été utilisés, ainsi que leur impact sur le travail des participants ou sur les résultats de l'organisation;
  3. surveiller, dans le cadre du forum de l'UE sur l'internet:
    • la coopération entre l'EU IRU et ses homologues au niveau national lorsqu'il s'agit d'assurer la complémentarité et d'éviter les répétitions inutiles lors du signalement de contenus à caractère terroriste à des entreprises informatiques;
    • la mesure dans laquelle le retrait de la propagande terroriste a un impact sur sa prévalence sur internet;
    • la rapidité avec laquelle le contenu signalé par l'EU IRU est retiré;
  4. veiller à ce que les candidats porteurs de projets expliquent comment ils en mesureront l'efficacité.

Délai de mise en œuvre: juin 2019.

Le présent rapport a été adopté par la Chambre V, présidée par M. Lazaros S. LAZAROU, Membre de la Cour des comptes, à Luxembourg en sa réunion du 20 mars 2018.

Pour la Cour des comptes

Klaus-Heiner LEHNE
Président

Annexe

Exemples d'actions financées par l'Union européenne dans le domaine de la lutte contre la radicalisation

Développer les connaissances sur la radicalisation et partager les pratiques
Actions Objectifs en matière de lutte contre la radicalisation Sources de financement Organismes chargés de la gestion
Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR) Aider les États membres à concevoir et à mettre en œuvre des actions de prévention efficaces, fournir des lignes directrices et des manuels relatifs à la mise en place de structures faisant intervenir plusieurs agences, mettre sur pied une plateforme d'échange d'expériences et de bonnes pratiques et continuer à recenser les travaux de recherche sur la radicalisation Volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure DG Migration et affaires intérieures (DG HOME)
Subventions de recherche Combler le fossé entre les universités et les spécialistes de la sécurité dans le domaine de la radicalisation, afin de renforcer la capacité des États membres à affiner les approches stratégiques existantes et à mettre au point de nouvelles politiques et pratiques (thèmes de recherche: mise en place d'une approche globale de la radicalisation violente et tendances actuelles en matière de radicalisation) Programme «Horizon 2020» DG Affaires intérieures (DG HOME)
DG Recherche et innovation (DG RTD)
Projets en matière de sécurité, en gestions directe et partagée Mettre au point des outils d'information, d'interaction et d'assistance pour les acteurs locaux et les familles, afin de prévenir la radicalisation Volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure DG Migration et affaires intérieures (DG HOME)
Lutter contre la propagande terroriste
Unité de l'UE chargée du signalement des contenus sur internet (EU IRU) Lutter contre la propagande terroriste en ligne Europol Europol
Forum de l'UE sur l'internet Initiative de la Commission visant à associer les entreprises du secteur de l'internet à la lutte contre la propagande terroriste Fonds pour la sécurité intérieure DG Migration et affaires intérieures (DG HOME)
Réseau européen des communications stratégiques Mettre à la disposition des États membres, de la société civile et des institutions de l'UE le savoir-faire acquis lors de l'élaboration des cadres d'action, des campagnes de communication ou d'initiatives individuelles, créer un réseau de partage et d'échange de bonnes pratiques, apporter un soutien concret et des conseils qui peuvent faciliter la mise au point de contre-discours efficaces Fonds pour la sécurité intérieure DG Migration et affaires intérieures (DG HOME)
Projets en matière de sécurité, en gestions directe et partagée Résoudre le problème que posent les contenus en ligne susceptibles de conduire à la radicalisation Volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure DG Migration et affaires intérieures (DG HOME)
Promouvoir des sociétés inclusives et résilientes
Partenariats transnationaux Élaborer des approches et pratiques innovantes, en accordant la priorité à l'inclusion sociale, à la promotion de valeurs communes et à la compréhension interculturelle Erasmus+ DG Éducation, jeunesse, sport et culture (DG EAC)
Soutien à la réforme des politiques Intensifier et diffuser les bonnes pratiques innovantes qui relèvent du champ d'application de la déclaration de Paris
Service volontaire européen Promouvoir les valeurs fondamentales et s'adresser aux personnes et communautés défavorisées
Animateurs socio-éducatifs Mettre au point une boîte à outils recensant les bonnes pratiques sur la manière:
  • d'aider les jeunes à accroître leur résilience démocratique, à s'éduquer aux médias et à faire preuve d'esprit critique;
  • d'apprendre aux jeunes à résoudre les conflits et à respecter le point de vue de l'autre;
  • de détecter les risques de marginalisation ou déterminer les groupes vulnérables
eTwinning Mettre en relation des enseignants et des salles de classe dans toute l'Europe au moyen de la plateforme internet eTwinning, afin de dégager les bonnes pratiques en matière de gestion de la diversité dans les salles de classe et de transmission de valeurs communes aux élèves, ainsi que de détection des risques de margnisalisation et de détermination des groupes vulnérables
Soutien de programmes nationaux et de petits projets locaux Promouvoir l'inclusion sociale des groupes défavorisés, par exemple grâce à des programmes de formation adaptés et à des plans d'aide sociale Fonds social européen DG Emploi, affaires sociales et inclusion (DG EMPL)
DG Politique régionale et urbaine (DG REGIO)
Aider les établissements scolaires à lutter contre le décrochage scolaire et à améliorer l'accès à une éducation de qualité pour tous
Projets consacrés à l'emploi et à l'innovation sociale Financer sur le terrain des projets innovants qui favorisent l'inclusion sociale Programme pour l'emploi et l'innovation sociale DG Emploi, affaires sociales et inclusion (DG EMPL)
Projets concernant les droits, l'égalité et la citoyenneté Améliorer l'entente entre les communautés, notamment les communautés religieuses, prévenir et combattre le racisme et la xénophobie au moyen d'actions interreligieuses et interculturelles Programme «Droits, égalité et citoyenneté» DG Justice et consommateurs (DG JUST)
Projets en matière de sécurité, en gestions directe et partagée Sensibiliser et former les acteurs de terrain pour qu'ils reconnaissent le processus de radicalisation des individus qui veulent devenir combattants étrangers et qu'ils puissent y apporter une réponse Volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure DG Migration et affaires intérieures (DG HOME)
Identifier et prendre en charge les individus radicalisés
Programmes de réinsertion et de déradicalisation Réinsertion et déradicalisation en prison et à l'extérieur, élaboration d'outils d'évaluation des risques, ainsi que formation de professionnels Programme «Justice» DG Justice et consommateurs (DG JUST)
Formation du personnel pénitentiaire et des agents de probation Associer l'Organisation européenne de la probation et l'Organisation européenne des services pénitentiaires et correctionnels à la formation spécifique du personnel pénitentiaire et des agents de probation
Lutter contre la radicalisation dans les pays situés en dehors de l'Europe
Mesures visant à lutter contre le terrorisme Apporter aux pays tiers un soutien spécifique en matière de lutte contre le terrorisme Fonds européens de développement et instrument contribuant à la stabilité et à la paix DG Coopération internationale et développement (DG DEVCO)
Instrument européen de voisinage DG Voisinage et négociations d’élargissement (DG NEAR)
Tenir compte de la lutte contre la radicalisation Intégrer les questions liées à la lutte contre la radicalisation dans différents types d'aide apportée à des pays tiers Fonds européens de développement et instrument contribuant à la stabilité et à la paix DG Coopération internationale et développement (DG DEVCO)
Instrument européen de voisinage DG Voisinage et négociations d’élargissement (DG NEAR)
eTwinning Plus Élargir la plateforme eTwinning à une série de pays relevant de la politique européenne de voisinage, en particulier ceux qui sont confrontés à des problèmes de radicalisation violente et dans lesquels le dialogue interculturel apparaît le plus nécessaire Erasmus+ DG Éducation, jeunesse, sport et culture (DG EAC)

Source: Cour des comptes européenne, sur la base des communications de la Commission sur le soutien à la prévention de la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent.

Réponses de la Commission

Synthèse

V

Depuis 2017, la Commission dispose d’une meilleure vue d’ensemble des actions financées par l’UE et est en mesure de définir les synergies entre les différents fonds et actions, en particulier dans le cadre de la task force sur l’Union de la sécurité et de son sous-groupe sur la radicalisation.

VI

Les objectifs de la politique de la Commission en matière de prévention et de lutte contre la radicalisation sont exposés dans les documents stratégiques pertinents. Ceux-ci sont nécessairement de nature plus générale et des objectifs plus concrets sont fixés dans le cadre des initiatives en la matière.

VII

La Commission souligne que les projets et initiatives individuels sont évalués et que les réalisations obtenues sont consignées. Ces éléments contribuent à l’évaluation générale des fonds et programmes. Toutefois, la Commission reconnaît que l’incidence à long terme de ces actions n’est pas mesurée de manière systématique.

Introduction

06

Le développement des connaissances sur la radicalisation s’effectue non seulement dans le cadre de projets financés dans le cadre d’«Horizon 2020», mais aussi au moyen d’autres fonds de l’Union européenne et en particulier du volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure (FSI-Police), y compris le réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR) qui est également chargé de partager et d’établir de bonnes pratiques.

08

Les projets financés par le Fonds social européen visent, entre autres, à renforcer la résilience de manière plus générale, mais peuvent aussi s’attaquer spécifiquement à la radicalisation (par exemple, le projet BAANA).

09

Les stratégies de sortie au sens large ainsi que les projets de réinsertion et de déradicalisation sont non seulement financés dans le cadre du programme «Justice», mais peuvent également être financés au titre du FSI-Police, comme c’est le cas actuellement avec l’appel général sur la radicalisation lancé en novembre 2017.

Observations

Encadré 5

Si la Commission adapte en effet sa réponse politique à l’évolution de la menace, les travaux qu’elle mène dans le domaine de la prévention de la radicalisation suivent des objectifs à long terme et à court terme. En ce sens, de nombreux travaux portent sur toutes les formes de radicalisation.

19
  1. Le thème des médias et de la communication a été abordé de différentes manières: il a été inclus dans la communication de la Commission de 2005 (chapitre 2.1. Radio et télévision); ce sujet (y compris, en particulier, la question de la polarisation) a également été discuté dans le cadre du RSR et du Réseau européen des communications stratégiques (RECS), et la Commission lui a donné la priorité dans le récent appel à propositions de 2017 (ISF-2017-AG-RAD).

    En outre, la question a été soulevée par le groupe d’experts à haut niveau de la Commission sur la radicalisation (High Level Commission Expert Group on Radicalisation – HLCEG-R), qui recommande dans son rapport intermédiaire de décembre 2017 adressé aux États membres (avec le soutien de la Commission) d’examiner si les outils existants sont suffisants pour prévenir efficacement la diffusion de la propagande extrémiste violente via les médias traditionnels.
  2. La Commission a mis en place les mesures nécessaires pour répondre à la nécessité d’élaborer des stratégies de sortie. Par le passé déjà, la Commission a financé d’importantes stratégies de sortie dans le cadre du programme «Prévenir et combattre la criminalité», le financement du Réseau européen pour la déradicalisation (European Network of De-radicalisation – ENoD) en 2012-2013 en étant l’exemple le plus marquant. En outre, à la suite de l’adoption de la communication de 2014 sur la radicalisation, la Commission a invité les États membres à inclure l’élaboration de stratégies de sortie comme priorité de financement dans le cadre de leurs programmes nationaux. Les programmes de sortie demeurent une priorité et ont été inclus dans un appel à propositions ouvert en novembre 20171.
Encadré 6

Outre les procédures et mécanismes destinés à faciliter la coordination entre les différents fonds et initiatives mentionnés par la Cour des comptes, la coordination s’effectue également au niveau politique plus large, en particulier depuis 2017, par l’intermédiaire de la task force sur l’Union de la sécurité et, plus spécifiquement, de son sous-groupe sur la radicalisation.

26

La Commission considère que, si un document unique accroît la transparence, même en l’absence d’une liste consolidée des actions de lutte contre la radicalisation financées par l’Union européenne, les services compétents de la Commission ont coordonné leurs actions dans le cadre des procédures en vigueur.

En 2017, la Commission a créé la task force sur l’Union de la sécurité et son sous-groupe sur la radicalisation afin d’améliorer la coordination des actions de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et de repérer les synergies entre les différents fonds et actions.

27

La proposition de renforcement des synergies entre le retrait des contenus et les campagnes de contre-discours n’a jamais été soumise à la Commission ni au forum de l’UE sur l’internet, qui poursuit les deux objectifs et aurait donc été le forum adéquat. Par conséquent, la Commission estime ne pas avoir fait preuve d’un manque de coordination.

En particulier à l’occasion des rencontres organisées dans le cadre du forum de l’UE sur l’internet ou dans le contexte du groupe consultatif ECTC (centre européen de lutte contre le terrorisme) d’Europol, qui a été créé en octobre 2016 et auquel participent VoxPol et le RECS, la Commission et Europol ont respectivement facilité un engagement et une coordination plus étroits entre les actions financées par l’Union européenne.

28
  1. Le RSR a déjà produit un grand nombre de réalisations concrètes sous la forme, notamment, de manuels et de formations (par exemple, programmes de formation à l’attention des policiers européens, manifeste pour l’éducation, manuel sur les combattants terroristes étrangers qui rentrent dans leur pays d’origine, pour n’en citer que quelques-unes).

    Le but premier du recueil du RSR est d’inspirer d’autres intervenants. Il ne semble pas être l’endroit où ces derniers viendraient chercher des informations sur les possibilités de financement. Les informations sur le financement des projets sont disponibles dans d’autres contextes.
  2. La Commission est consciente des raisons qui expliquent les variations des taux de participation des parties prenantes des différents États membres. Outre les raisons mentionnées par la Cour des comptes européenne, il convient de garder à l’esprit qu’il est normal que les intervenants des pays qui sont confrontés à des menaces terroristes plus élevées ou qui disposent d’approches et de pratiques de prévention plus avancées ainsi que de l’expertise en place soient davantage représentés que les autres. La Commission continue d’estimer qu’il est important de discuter avec les États membres de leurs priorités, de leurs besoins et des défis qu'ils rencontrent Depuis 2017, ces discussions se déroulent dans le cadre du HLCEG-R. Son rapport intermédiaire publié en novembre 2017 a déjà fourni des orientations utiles pour les activités qui seront organisées par le RSR et le RECS dans le courant de 2018.

    Le RSR tient à jour, contrôle et actualise la liste des participants, laquelle donne une vue d’ensemble des intervenants par État membre. À partir de cette liste, le RSR et la Commission peuvent voir comment évolue la participation des intervenants d’un État membre donné.
  3. Le RSR comprend déjà un nombre important d’organisations sur le terrain dépourvues de lien avec des autorités publiques en plus d’un grand nombre d’autres intervenants de première ligne compétents. La Commission estime que les connaissances et l’expérience de ces intervenants sont prises en considération dans le débat politique, ce qui garantit une approche ascendante.
  4. Les échanges entre les intervenants et les responsables politiques se déroulent de différentes manières: les conclusions et les recommandations des intervenants ont été partagées avec les responsables politiques à l’occasion de plusieurs événements (par exemple, la conférence de haut niveau du RSR en novembre 2016 ou la conférence du RSR sur les combattants terroristes étrangers qui rentrent dans leur pays d’origine qui s'est tenue en juin 2017). La Commission considère que la conférence du RSR sur les combattants terroristes étrangers qui rentrent dans leur pays d’origine, ainsi que le manuel et les ateliers de suivi sur le même sujet organisés avec les représentants des États membres ont une incidence significative sur le développement des politiques dans ce domaine au niveau de l’Union, mais surtout au niveau des États membres.

La Commission collabore également avec les États membres pour déterminer où ceux-ci estiment qu’il est possible d’apporter un soutien supplémentaire par l’intermédiaire du RSR ou d’une autre manière. Créé en juillet 2017, le HLCEG-R est un groupe consultatif qui aide la Commission à définir ces besoins et à formuler des réponses appropriées. Les recommandations du rapport intermédiaire du HLCEG-R de novembre 2017, lorsqu’elles sont pertinentes pour le RSR, sont prises en considération dans son plan d’activité annuel pour 2018. La Commission veille ainsi à ce que la valeur ajoutée du RSR soit maximisée dans la pratique en offrant des services qui répondent aux priorités et aux défis recensés par les États membres.

La question de la radicalisation en milieu carcéral est devenue une priorité politique, conformément à la prise de conscience accrue des parties prenantes concernées dans le domaine pénitentiaire et de la probation. Des organisations telles que le Conseil de l’Europe, EuroPris et la CEP (Confédération européenne de la probation) n’ont commencé à s’occuper activement de cette question qu’en 2015, lorsque la Commission a déterminé les actions à financer dans le cadre du programme «Justice».

29

La Commission considère qu’il est en effet important de disposer d’informations suffisantes sur les progrès et l’efficacité de ses actions d’aide au niveau global. Elle procède à des évaluations systématiques à mi-parcours et ex post pour les fonds de l’Union. À mi-parcours, les résultats des évaluations soutiennent le pilotage des fonds, ce qui permet d’adapter les fonds à un contexte changeant dans les limites de la base juridique. Au niveau ex post, les résultats des évaluations contribuent à l’élaboration des politiques. Toutefois, étant donné que le tableau des menaces et les besoins des États membres peuvent changer rapidement, des réponses politiques rapides sont nécessaires sans que des évaluations approfondies des actions antérieures soient nécessairement disponibles à ce moment-là.

En outre, l'aide qu'elle apporte dans l'ensemble a été examinée dans le cadre de l’évaluation globale de la politique de sécurité publiée en juillet 2017, par laquelle la Commission a répondu à la demande du Parlement européen.

30
  1. Les objectifs de la politique de la Commission en matière de prévention et de lutte contre la radicalisation sont exposés dans les documents stratégiques pertinents. Ceux-ci sont nécessairement de nature plus générale et des objectifs plus concrets sont fixés dans le cadre des initiatives en la matière.
  2. Même si les financements de l’UE utilisés ne sont pas assortis de valeurs cibles et d’indicateurs spécifiques relatifs à la radicalisation, l’efficacité et l’utilisation optimale des projets de lutte contre la radicalisation sont évaluées au moyen de programmes et d’indicateurs spécifiques qui reflètent la portée et les objectifs des différents fonds/programmes de financement. Cette évaluation est effectuée systématiquement dans le cadre de chaque fonds. Par exemple, l’efficacité de programmes tels qu’Erasmus+, qui soutiennent une éducation inclusive de qualité et la promotion de valeurs communes, est mesurée au moyen d’objectifs et d’indicateurs spécifiques aux programmes et aux secteurs. Les estimations des coûts sont généralement liées à des objectifs plus larges axés sur l’éducation plutôt qu’à la radicalisation en tant que telle, compte tenu de leur contribution indirecte à la prévention de la radicalisation.
  3. Une vue exhaustive de toutes les actions de lutte contre la radicalisation, à l’exception des actions de l’UE gérées par les États membres, a été fournie dans le cadre de l’évaluation globale de la politique de sécurité de l’UE de juillet 2017, qui fournit des informations sur les fonds et les coûts (voir la réponse au point 26).
  4. Il serait extrêmement difficile de présenter les coûts de la lutte contre la radicalisation de manière exhaustive, en particulier pour les actions poursuivant des objectifs multiples et pour les actions assorties de calendriers différents. La Commission souligne que les documents stratégiques, tels que les différentes communications sur la radicalisation, ne comportent pas de références spécifiques et exhaustives aux moyens financiers mis à disposition pour certaines actions. Les communications de la Commission ne sont pas les documents dans lesquels des engagements financiers spécifiques sont consignés ou annoncés.
32

Mesurer l’efficacité des actions préventives est intrinsèquement difficile et nécessite une coopération étroite entre la Commission, les États membres, les différentes parties prenantes et les chercheurs. Il s’agit d’un processus graduel, les techniques d’évaluation étant progressivement étudiées et utilisées. Comme la Commission l’a souligné dans son évaluation globale de la politique de sécurité, il est nécessaire de mieux apprécier les résultats et l’efficacité, et de continuer à étudier les moyens de mieux démontrer l’efficacité de ses actions.

La Commission considère que l’évaluation de la performance du centre d’excellence du RSR va au-delà d’une simple liste d’événements et d’activités puisqu’elle contient une évaluation de chaque tâche, comme le démontre clairement le rapport d’avancement annuel du RSR pour 2016 (RAA 2016).

33

Le processus de sélection au titre des instruments de financement de l’UE comprend une évaluation de la solidité de la stratégie d’évaluation et de suivi proposée par les candidats et fait partie de l’analyse des forces et faiblesses des différents projets. Cette évaluation est partagée avec les candidats afin de les encourager à améliorer la conception de leur projet. Elle appuie également la stratégie de suivi du projet menée par la Commission lorsque celui-ci est en cours. Cependant, la qualité de la stratégie d’évaluation et de suivi intégrée dans un projet n’est pas le seul élément qui détermine sa sélection. En effet, les projets sont d’abord retenus en fonction de leur pertinence par rapport à l’objectif politique fixé dans les appels à propositions et de leur valeur ajoutée au niveau de l’UE (par exemple, s’ils associent ou ont une incidence sur plusieurs États membres).

En outre, l’absence d’indicateurs relatifs à l’efficacité ne signifie pas que l’efficacité ne peut être évaluée, puisque les projets sont tenus de fournir un rapport descriptif détaillé qui permet à la Commission d’évaluer si le projet a effectivement contribué à la réalisation de l’objectif politique.

34

Les paiements en faveur de projets cofinancés par l’UE sont effectués selon que le projet a été mis en œuvre ou non conformément à ses objectifs initiaux.

Dans le cadre de cette évaluation finale, la Commission apprécie un certain nombre d’éléments, notamment la qualité, l’utilité et le caractère transposable des résultats.

Les évaluations des projets individuels contribuent ensuite à l’évaluation générale du programme financier, qui est réalisée avec l’aide d’évaluateurs externes.

Par exemple, le programme ISEC dans son ensemble, les appels individuels et les résultats des projets sont généralement perçus de manière très positive par les États membres et les parties prenantes, comme indiqué dans l’évaluation ex post du programme ISEC 2007-2013 «Prévenir et combattre la criminalité».

Enfin, les évaluations sont complétées par d’autres outils grâce auxquels la Commission renforce la base d’éléments probants pour les interventions individuelles. Par exemple, grâce aux outils développés dans le cadre du projet IMPACT financé par l’UE, les gestionnaires de projet bénéficient d’une aide afin de mieux évaluer l’efficacité de leurs actions. En outre, s’agissant notamment des projets spécifiques financés par l’UE (tels que ceux qui seront financés au titre du programme d’autonomisation de la société civile), la Commission prévoit une évaluation ex post du programme, compte tenu du caractère novateur des discours alternatifs et des contre-discours. Dans le cadre du suivi du rapport intermédiaire du HLCEG-R, la Commission étudiera avec les États membres les moyens de mieux évaluer les programmes et interventions pertinents.

35

La Commission et Europol ont demandé aux fournisseurs de services internet des données sur le retrait de contenus terroristes, mais n’ont reçu que des informations limitées. Par ailleurs, l’application de gestion des signalements sur internet qu’Europol a mise au point contribuera à assurer la coordination avec les États membres, réduisant ainsi les risques de double emploi. En ce qui concerne le jeu «du chat et de la souris», la Commission espère que la base de données d’empreintes numériques («Database of Hashes»), élaborée par les fournisseurs de services eux-mêmes, contribuera à prévenir le rechargement de contenus terroristes et leur diffusion. À cet égard, dans le cadre du forum, Europol a proposé son aide pour assurer l’optimisation de cet outil.

L’EU IRU (l’unité de l’UE chargée du signalement des contenus sur internet) a mis en place une procédure dite de déconfliction pour veiller à ce que les États membres aient leur mot à dire sur le contenu signalé par l’EU IRU aux fournisseurs de services, évitant ainsi les effets négatifs des signalements et des retraits ultérieurs qui pourraient compromettre les enquêtes. En outre, l’EU IRU se concentre sur la propagande en ligne que les terroristes veulent utiliser pour attirer autant d’adeptes que possible. Les communications clandestines individuelles ont tendance à se produire plus tard dans le processus. Si ces méthodes de prévention devenaient pleinement efficaces, elles pourraient en fait alléger la charge des partenaires opérationnels à plus long terme, puisqu’il y aurait moins d’enquêtes.

Les actions ci-dessus sont conformes au plan d’action du forum de l’UE sur l’internet adopté en juillet 2017; les actions comprennent également des dispositions relatives à l’établissement de rapports sur la base d’un certain nombre d’indicateurs. La recommandation de la Commission sur les contenus illicites en ligne s’appuie sur les progrès réalisés dans le cadre du forum de l’UE sur l’internet et définit des dispositions relatives à l’établissement de rapports.

36

La Commission a chargé le centre d’excellence du RSR de rendre compte de l’efficacité de ses actions. En vertu du contrat-cadre, le centre d’excellence du RSR est invité à rendre compte, dans ses rapports d’avancement trimestriels et en particulier dans les rapports d’avancement annuels (RAA), de la manière dont ses actions contribuent à la réalisation des objectifs politiques poursuivis. À partir de 2017, le RAA contient donc une telle évaluation pour chaque tâche. Ces rapports n’énumèrent pas «simplement des activités». En outre, le RSR effectue des enquêtes (même si ce n’est pas de manière systématique), en particulier en ce qui concerne certains événements (clés).

Par ailleurs, la Commission évalue, avec les membres du comité de pilotage du centre d’excellence du RSR, les progrès, les défis et les possibilités d’amélioration sur la base d’une évaluation des travaux du centre d’excellence du RSR (par exemple, en termes de sensibilisation des parties prenantes concernées, de possibilités d’amélioration de la diffusion et de la transférabilité des enseignements). Ces réunions du comité de pilotage ont lieu tous les trimestres.

Conclusions et recommandations

40

Depuis 2017, dans le cadre de la task force de l’Union européenne pour la sécurité et de son sous-groupe consacré à la radicalisation, la Commission dispose d’une meilleure vue d’ensemble des actions financées par l’Union et est en mesure de définir les synergies entre les différents fonds et actions.

Recommandation nº 1

La Commission accepte la recommandation nº 1. Une première vue d’ensemble des possibilités de financement et des projets a été élaborée dans le cadre des travaux du sous-groupe sur la radicalisation de la task force sur l’Union de la sécurité et est utilisée par les services pour définir les synergies et mettre en commun les connaissances et les expériences pertinentes.

Recommandation nº 2

La Commission accepte la recommandation nº 2. La Commission tient à souligner qu’un engagement plus étroit avec les États membres est l’une des conclusions du HLCEG-R, qui fait déjà l’objet de mesures concrètes (par exemple, des événements politiques et pratiques entre responsables politiques et intervenants sont déjà prévus en 2018).

41

Les objectifs de la politique de la Commission en matière de prévention et de lutte contre la radicalisation sont exposés dans les documents stratégiques pertinents. Ceux-ci sont nécessairement de nature plus générale et des objectifs plus concrets sont fixés dans le cadre des initiatives en la matière.

Voir la réponse de la Commission aux points 29 et 30.

42

La Commission souligne que les projets et initiatives individuels sont évalués et que les réalisations obtenues sont consignées. Ces éléments contribuent à l’évaluation générale des fonds et programmes. Toutefois, la Commission reconnaît que l’incidence à long terme de ces actions n’est pas mesurée de manière systématique.

Voir la réponse de la Commission aux points 32 à 36.

Recommandation nº 3

La Commission accepte la recommandation nº 3.

Glossaire

Coordinateur pour la lutte contre le terrorisme: Il coordonne les travaux du Conseil de l'Union européenne dans la lutte contre le terrorisme et veille à ce que l'UE joue un rôle actif dans celle-ci.

Eurojust: Agence de l'UE chargée d'appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les États membres en matière d'enquêtes et de poursuites relatives aux formes graves de criminalité organisée et de terrorisme transfrontières.

Europol: Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs, qui vise à soutenir les États membres dans la prévention et la lutte contre toutes les formes graves de criminalité internationale organisée et contre le terrorisme.

Forum de l'UE sur l'internet: Initiative de la Commission visant à associer les entreprises du secteur de l'internet à la lutte contre la propagande terroriste.

Impact: Projet qui visait le développement d'une boîte à outils pour l'évaluation des initiatives de lutte contre la radicalisation.

Propagande terroriste: Propagation d'une vision extrémiste du monde, qui amène certains à envisager et à justifier la violence.

Radicalisation: Phénomène par lequel des personnes adhèrent à des idéologies et comportements extrémistes pouvant conduire à commettre des actes terroristes.

Réintégration: Processus qui vise à aider d'anciens terroristes à se réinsérer dans la société.

Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR ou RAN): Réseau à l'échelle de l'UE qui met en relation des acteurs de terrains, afin d'échanger des idées, des connaissances et des expériences en matière de prévention et de lutte contre la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent et au terrorisme.

Réseau européen des communications stratégiques: Réseau d'échange de bonnes pratiques en matière de communications stratégiques, composé d'experts des États membres de l'UE.

Stresaviora: Projet visant à promouvoir des sociétés inclusives et résilientes.

Unité de l'UE chargée du signalement des contenus sur internet (IRU – Internet Referral Unit): Établie au sein d'Europol, l'unité de l'UE chargée du signalement des contenus en ligne vise à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes sur internet en signalant les contenus terroristes en ligne et en alertant les fournisseurs de services qui les hébergent.

Volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure: Le volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure (2014-2020) contribue à assurer un niveau élevé de sécurité dans l'UE. Il sert à financer des actions gérées directement par la Commission ou menées par les États membres dans le cadre de programmes nationaux.

VOX-Pol: Projet qui vise à fédérer en réseau les activités de recherche sur l'extrémisme en ligne, afin de mieux éclairer l'élaboration des programmes politiques aux niveaux national, européen et international.

Notes

1 L'article 4, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne dispose que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre.

2 L'article 67 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que l'Union œuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité. Les articles 82 à 89 prévoient les coopérations policière et judiciaire.

3 Stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre le terrorisme, 30 novembre 2005, document 14469/4/05, adopté le 15 décembre 2005.

4 «Le programme européen en matière de sécurité», COM(2015) 185 final du 28 avril 2015.

5 À titre d'exemple, la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme (JO L 88 du 31.3.2017, p. 6).

6 Programme européen en matière de sécurité – état des lieux, juin 2017.

7 «Le recrutement des groupes terroristes: combattre les facteurs qui contribuent à la radicalisation violente», COM(2005) 313 final du 21 septembre 2005; «Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent: renforcer l'action de l'UE», COM(2013) 941 final du 15 janvier 2014; «Soutien à la prévention de la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent», COM(2016) 379 final du 14 juin 2016.

8 Cette approche est renforcée par la stratégie de sécurité intérieure de 2010 et par le programme européen en matière de sécurité de 2015.

9 Le réseau européen des communications stratégiques a succédé à l'équipe de conseil en communication stratégique sur la Syrie (SSCAT).

10 Le projet Impact Europe (Innovative Method and Procedure to Assess Counter-violent-radicalisation Techniques in Europe) visait le développement d'une boîte à outils pour l'évaluation des initiatives de lutte contre la radicalisation.

11 Ce suivi est assuré, par exemple, au moyen des rapports mensuels sur les progrès réalisés dans la mise en place d'une union de la sécurité réelle et effective (depuis octobre 2016), ainsi que dans le cadre de l'évaluation globale de la politique de sécurité de l'UE, effectuée en juillet 2017.

12 Le projet VOX-Pol vise à fédérer en réseau des activités de recherche sur l'extrémisme en ligne, afin de mieux éclairer l'élaboration des programmes politiques aux niveaux national, européen et international.

13 Ce qui a été corroboré par notre enquête. Huit des 13 personnes qui ont répondu à notre enquête et donné un avis à ce sujet (62 %) ont estimé que l'approche du RSR pourrait apporter davantage de valeur ajoutée.

14 Le programme ISEC («Prévenir et combattre la criminalité») faisait partie du programme-cadre «Sécurité et protection des libertés» (2007-2013), qui a précédé le volet «police» du Fonds pour la sécurité intérieure (2014-2020).

15 Voir, par exemple, la résolution du Parlement européen du 25 novembre 2015 sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'Union par des organisations terroristes.

16 Évaluation globale de la politique de sécurité de l'UE, SWD(2017) 278 du 26 juillet 2017.

17 «Rapport final sur la mise en œuvre de la stratégie de sécurité intérieure de l'UE (2010-2014)», COM(2014) 365 final du 20 juin 2014.

18 FIRST LINE, Liaise II et Saffron.

19 Rapport descriptif et financier sur les activités et les réalisations des projets, établi à la fin du projet par le bénéficiaire du concours de l'UE.

20 L'unité britannique chargée du signalement des contenus sur internet dans le cadre de la lutte contre le terrorisme signale environ 100 000 éléments par an.

 

1 Appel 2017-ISFP-AG-RAD

Étape Date
Adoption du plan d'enquête/début de l'audit 25.10.2016
Envoi officiel du projet de rapport à la Commission (ou à toute autre entité auditée) 8.2.2018
Adoption du rapport définitif après la procédure contradictoire 20.3.2018
Réception des réponses officielles de la Commission (ou de toute autre entité auditée) dans toutes les langues 25.4.2018

Équipe d'audit

Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits relatifs aux politiques et programmes de l'UE ou à des questions de gestion concernant des domaines budgétaires spécifiques. La Cour sélectionne et conçoit ces activités d'audit de manière à maximiser leur incidence en tenant compte des risques pour la performance ou la conformité, du niveau des recettes ou des dépenses concernées, des évolutions escomptées ainsi que de l'importance politique et de l'intérêt du public.

Le présent audit de la performance a été réalisé par la Chambre V (Financement et administration de l'Union européenne), présidée par M. Lazaros S. Lazarou, Membre de la Cour. L'audit a été effectué sous la responsabilité de M. Jan Gregor, Membre de la Cour, assisté de: M. Verner Vlasselaer, chef de cabinet; M. Bernard Moya, attaché de cabinet; M. Alejandro Ballester Gallardo, manager principal; M. Mark Marshall, chef de mission; M. Alexandre-Kim Hugé et Mme Pascale Pucheux-Lallemand, auditeurs.

De gauche à droite: Werner Vlasselaer, Alejandro Ballester Gallardo, Mark Marshall, Bernard Moya, Pascale Pucheux-Lallemand et Jan Gregor.

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