Assurer le risque environnemental des entreprises

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La nécessité d'assurer les risques environnementaux ne fait plus de doute depuis que la responsabilité environnementale prolonge sur le terrain juridictionnel l'avènement spectaculaire d'un droit de l'environnement. L'article 1246 du Code civil qui dispose que « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer » consacre enfin le préjudice écologique, notion apparue pourtant dès la fin des années 80. Cet ouvrage a pour objectif d’expliciter cette « consécration législative » du préjudice écologique par la loi du 8 août 2016 pour la

reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, comme une composante de la responsabilité environnementale, dont il convient désormais de saisir les implications en termes de responsabilité et de mécanismes assurantiels. Les auteurs, spécialistes du droit de l’environnement, exposent tant les fondements de la responsabilité environnementale que les conditions de son action. Un préalable nécessaire avant de développer à l’appui d’exemples et de cas concrets, les mécanismes assurantiels, la technique contractuelle et son potentiel indemnitaire.

Sébastien Bécue est titulaire d’un Master II en droit du développement durable de l’Université Paris-Descartes et d’un Master LLM en droit international et européen de l’Université Erasme de Rotterdam. Il est avocat collaborateur au sein du cabinet Green Law Avocats. David Deharbe, docteur en droit habilité à diriger des recherches, est titulaire d’un double certificat de spécialisation en droit de l’environnement et en droit public. Il est avocat associé fondateur de Green Law Avocats et est maître de conférences des Universités. Il a été en poste aux Universités d'Artois puis de Lille 2.

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FONDAMENTAUX

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ASSURER LE RISQUE ENVIRONNEMENTAL DES ENTREPRISES

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À jour de l’introduction du préjudice écologique dans le Code civil

Sébastien Bécue David Deharbe

ISBN 978-2-35474-311-6

9 782354 743116

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sommaire Remerciements................................................................................................................................... 7 Introduction........................................................................................................................................ 9 Sommaire........................................................................................................................................... 11

Chapitre I – Les fondements de la responsabilité..............................................................15 Chapitre II – L’action en responsabilité environnementale..............................................79 Chapitre III – Les possibilités d’assurance des risques environnementaux................ 129

ANNEXES Annexe 1 – Cadre d’assurance des risques environnementaux................................. 191 Annexe 2 – R esponsabilité des dirigeants........................................................................ 227

Table des jurisprudences............................................................................................................233 Bibliographie ................................................................................................................................239 Table des matières........................................................................................................................245 Index alphabétique......................................................................................................................249

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Chapitre II

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Section I – Les conditions procédurales de l’action individuelle en réparation du préjudice écologique....................................................... 16 Section II – Les conditions procédurales de l’action de groupe en réparation du dommage environnemental......................................... 37 Section III – La réparation du dommage écologique par le juge.............................. 51

Cet ouvrage s’est efforcé dans son premier chapitre de définir, en l’état du droit positif, la responsabilité environnementale comme mobilisant les fondements classiques de la responsabilité civile pour désormais les mettre au service d’une réparation du préjudice écologique consacrée dans le Code civil et intégrant la police de la prévention, la loi LRE. La responsabilité environnementale appellera dans ce deuxième chapitre une présentation des actions juridictionnelles qu’elle nécessite et donc la description de ses conditions procédurales. On doit d’abord envisager les actions individuelles (Section 1). Mais on doit encore réserver une analyse approfondie de l’action de groupe en réparation du dommage environnemental, depuis qu’elle a été introduite par la loi n° 2016-1548 de modernisation de la justice du 21e siècle du 18 novembre 2016 à l’article L. 142-3-1 du Code de l’environnement (Section 2). On pourra enfin exposer les conditions de réparation du préjudice écologique pur par la décision juridictionnelle (Section 3).

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Section I – Les conditions procédurales de l’action individuelle en réparation du préjudice écologique Ces conditions varient selon la compétence juridictionnelle pour connaître de l’action individuelle. On doit d’abord présenter l’action en réparation du préjudice écologique devant les juridictions civiles (I). On réserve ensuite le cas où l’action civile est engagée à l’occasion du procès pénal (II). Et il convient enfin d’envisager la délicate question de la possible « justiciabilité » devant le juge administratif des préjudices écologiques que peuvent commettre directement ou indirectement les personnes publiques (III).

I – L’action en réparation devant le juge judiciaire On examinera successivement, la compétence au sein des juridictions judiciaires, la prescription, avant de distinguer actions dites banal et attitrées.

A – Compétence juridictionnelle S’agissant des actions au fond et sous réserve des régimes spéciaux on peut distinguer différentes hypothèses en pratique. Le Tribunal des conflits a jugé que les tribunaux judiciaires étaient compétents pour se prononcer sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par un trouble anormal de voisinage occasionné par une ICPE et qu’ils l’étaient également pour juger des mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation aurait pu causer dans l’avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l’administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu’elle détient (T. confl., 13 oct. 2014, n° C3964, Lebon ; AJDA 2014. 2398 ; CA Caen, 1re ch. civ., 3 avr. 2018, n° 15/03626). Sous cette réserve, ce chef de responsabilité pourrait donc accueillir une demande incidente de réparation d’un préjudice écologique de la part du voisin requérant. Depuis la suppression du juge de proximité le 1er janvier 2017, le Tribunal d’instance sera compétent si la demande de la victime est comprise dans la limite de 10 000 € ou si la demande indéterminée a pour origine l’exécution d’une obligation comprise dans ce même seuil. Au-delà de 10 000 € le Tribunal de Grande Instance (T.G.I.) devient compétent. Les mêmes chefs de compétence juridictionnelle pourront être retenus pour des travaux menés au nom de la

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police de l’eau ou de la police de l’urbanisme par des pétitionnaires privés et qui causeraient un dommage aux tiers. On doit par ailleurs relever que les actions possessoires ou encore celles délictuelles et quasi-délictuelles (fondées sur une faute au sens de l’article 1240 du Code civil) sur lesquelles serait greffée une demande de réparation d’un préjudice écologique relèveront de la compétence du Tribunal de Grande Instance (T.G.I.). En pratique et sur le terrain de la faute on pense à une pollution de toute nature par une activité ne respectant pas son cadre réglementaire et non poursuivie au pénal mais qu’un tiers intéressé (riverain ou non) cherche à faire sanctionner par l’engagement de la responsabilité civile. S’agissant des pollutions occasionnées par un accident de la circulation terrestre on doit réserver plusieurs hypothèses. Si la pollution est le fait des fluides de fonctionnement du véhicule qui ne peuvent pas être considérés comme relevant du transport de produits dangereux au sens du Code des assurances, elle sera assimilée à un dommage causé par le véhicule et la compétence est ici partagée entre le Tribunal d’instance (jusque 10.000 €) et le TGI (plus de 10.000 €). Ajoutons que le T.G.I. sera encore compétent (sauf exception) pour tout dommage causé par tout véhicule d’une personne publique (Loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957, article 1er). S’agissant du contentieux du transport de matières dangereuses (avec le remplisseur, le chargeur ou le transporteur) ou des dommages causés par des navires, le contentieux sera engagé devant le juge commercial. Bien sûr la mise en cause de l’assureur ouvre ici la voie au contentieux devant le TGI lorsqu’il n’a pas la qualité de commerçant. En revanche le contentieux de la navigation de plaisance pratiquée en dehors de toute fin commerciale demeure de la compétence des juridictions civiles de droit commun. S’agissant de la compétence territoriale, tout dépend ici du fondement de la demande principale et les solutions traditionnelles trouvent à s’appliquer, dont la règle du « domicile du défendeur » pour les litiges portés devant le TGI.

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On doit encore en pratique insister sur le rôle que peut jouer ici le juge des référés. Pour faire cesser le trouble, le référé en cas d’urgence (CC, art. 808) pourra être mobilisé, sauf à ce que la demande se heurte à une contestation sérieuse. En pratique on préférera souvent le référé pour péril imminent ou trouble manifestement illicite (CPC, art. 809) particulièrement pour des troubles anormaux de voisinage (Civ. 21 janv. 1987, 85-17.611 : Bull civ. II n° 22) mais aussi des actions possessoires (Civ. 3e, 22 mars 1995 n° 92-21-267 - J.-B. Perrier, « L’indemnisation et la nécessaire évaluation du préjudice écologique », AJ pénal 2016, p. 320). Dans ces cas, le requérant pourra rechercher la cessation de l’atteinte à l’environnement au-delà de celle portée à ses intérêts propres. Cette démarche judiciaire est une alternative pertinente si la victime de la pollution redoute une carence du préfet dans l’exercice de ses pouvoirs de police lui permettant pourtant d’imposer des mesures de prévention ou de réparation définies aux articles L. 162-3 à L. 162-12 du Code de l’environnement. Aux termes de l’article 145 du Code de procédure civile « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Un « référé expertise » sur le fondement de cet article 145 sera tout aussi pertinent, afin d’appréhender les causes mais aussi l’ampleur d’un préjudice écologique ; la requête prendra le soin de définir la mission de l’expert comme impliquant de

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« déterminer les causes et de chiffrer tous les aspects des atteintes à l’environnement et du préjudice environnemental, en ce y compris les modalités d’une éventuelle réparation prioritairement en nature d’un préjudice écologique au sens de l’article 1247 du Code civil ».

B – Prescription Aux termes de l’article 2226-1 du Code civil l’action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice écologique réparable se prescrit par dix ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice écologique (disposition issue de l’article 4 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016). Ce délai aligné sur celui du préjudice corporel est donc doublé par rapport à celui de droit commun de la prescription extinctive de cinq ans (C. civ., art. 2224). Ainsi le législateur considère suffisamment grave le préjudice écologique pour rendre plus exigeant le droit à l’oubli. S’agissant du point de départ du délai, en retenant la connaissance de la manifestation du préjudice, le législateur donne vraiment la pleine possibilité au requérant de ne pas être exposé à la forclusion du fait par exemple d’une migration longue de la pollution ou de la concrétisation tardive de ses effets sur les espèces comme les milieux. Surtout aux termes du III de l’article 4 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 : « III.Les articles 1246 à 1252 et 2226-1 du Code civil sont applicables à la réparation des préjudices dont le fait générateur est antérieur à la publication de la présente loi. Ils ne sont pas applicables aux préjudices ayant donné lieu à une action en justice introduite avant cette publication ». Ainsi les préjudices écologiques révélés depuis moins de 10 ans et qui participent de pollutions historiques intervenues avant l’entrée en vigueur de la loi pour la reconquête de la biodiversité peuvent faire l’objet d’une action en réparation sur la base du nouvel article 1246 du Code civil. La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. Sachant que la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès. Dans ce cas le délai de pres-

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cription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. L’action de groupe (cf. infra section 2) suspend les délais de prescription des actions individuelles – qui ne pourront recommencer à courir qu’à la date à laquelle le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation, ou à compter de l’homologation d’un accord, pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois. La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion et en ce sens fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien. Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit (C. civ., art. 2232 al. 2).

Remarquons enfin que l’article 4 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 a harmonisé le délai de prescription de la réparation du dommage environnemental régi par la police préventive et rompu avec l’ancienne prescription trentenaire « à compter du fait générateur du dommage ». En effet l’article L. 152-1 du Code de l’environnement dispose désormais : « Les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l’environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code se prescrivent par dix ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage ».

C – Actions banale ou attitrée L’article 31 du Code de procédure civile dispose que « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve

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des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ». La doctrine civiliste distingue ainsi les actions banales, où par principe il est exigé du requérant la démonstration de son intérêt à agir, des actions attitrées pour lesquelles le législateur a désigné les personnes pouvant actionner un recours juridictionnel dans un but supérieur, leur intérêt à l’action étant pour ainsi déduit de leur qualité. Pour sa part le professeure Mathilde Hautereau-Boutonnet considère qu’à côté des actions banales tournées vers les intérêts individuels (actions patrimoniales) et les actions attitrées tournées vers les intérêts supra-individuels (actions associatives ou de groupe), intérêt général (constitution de partie civile) ou intérêts collectifs (action des personnes publiques), « existe dorénavant une action attitrée en réparation du préjudice écologique tournée vers des intérêts non individuels ». (« Quelle action en responsabilité civile pour la réparation du préjudice écologique ? », Énergie - Environnement - Infrastructures n° 6, Juin 2017, dossier 14). Car effectivement l’article 1248 du Code civil dispose : « L’action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l’État, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement ». Ainsi, deux scenarii procéduraux doivent être distingués, s’agissant des actions individuelles. D’une part l’action individuelle, dite « attitrée » (2) où, en vertu de l’article 1248 du Code civil, une personne est spécialement habilitée à actionner la réparation civile du préjudice écologique ; D’autre part l’action individuelle, dite « banale », (1) où la personne requérante engage une action en réparation des conséquences personnelles patrimoniales ou extrapatrimoniales d’une atteinte à l’environnement mais sollicite encore à cette occasion la réparation du préjudice écologique pur.

1° L’action attitrée en réparation du préjudice écologique pur Aux termes de l’article 1248 du Code civil dispose : « L’action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l’État, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’in-

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troduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement ». L’article 1248 du Code civil établit une liste de personnes qui, à titre d’exemples, aura qualité et intérêt à agir en réparation du préjudice écologique. Il faut comprendre cette liste d’exemples comme citant des personnes ayant cette singularité commune : leur seule qualité leur confère intérêt à agir en réparation du préjudice écologique. Bref, la qualité des personnes désignées à l’article 1248 du Code civil postule leur intérêt à une telle action qui pourrait d’ailleurs être seule engagée par elles, à titre d’action principale.

Certes la doctrine se résout à cette lecture de l’article 1248 malgré ses ambiguïtés rédactionnelles. Comme le souligne Mathilde Hautereau-Boutonnet « Si l’on interprète strictement l’exigence d’intérêt et de qualité, la liste non exhaustive fournie par le législateur au titre des titulaires de l’action fait l’effet d’une fausse-bonne nouvelle. En effet, malgré son importance quantitative, ces personnes ne pourraient agir que si leur intérêt personnel leur donne qualité à agir, ce qui peut ne pas être le cas. Ce n’est qu’en se dégageant de l’effet cumulatif du « et » reliant la qualité et l’intérêt que l’on peut se passer de cette exigence. C’est alors que l’on pourrait comprendre que, malgré leur absence d’intérêt à agir, ces personnes dénommées par le législateur se voient accorder une qualité à agir pour demander réparation du préjudice écologique. S’il est regrettable que le législateur commette des maladresses de langage juridique prêtant autant à confusion, en mettant de côté l’exégèse, il est vrai que cette dernière interprétation devrait l’emporter » (Mathilde Hautereau-Boutonnet, « Quelle action en responsabilité civile pour la réparation du

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préjudice écologique ? », Énergie - Environnement - Infrastructures n° 6, Juin 2017, dossier 14). Il a pu être reproché à la liste d’oublier les chambres d’agricultures et le Centre national de la propriété forestière (CNPF) ; mais en qualité « d’établissement public » ils sont bien listés par l’article 1248 du Code civil. Quant aux parcs naturels régionaux, les syndicats mixtes qui en ont la gestion constituent aussi des établissements publics mais la définition de leur mission pourrait être interprétée comme n’étant pas assez large pour être considérés comme étant englobés dans la liste (C. envir., art. 333-3). Au sein de la liste de l’article 1248, on trouve surtout l’Agence française pour la biodiversité (AFB), créée par l’article 23 de la loi du 8 août 2016. Cet établissement public de l’État à caractère administratif regroupe depuis le 1er janvier 2017 : - l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ; - l’établissement public « Parcs nationaux de France » ; - l’Agence des aires marines protégées (AMP) ; - et l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN). A moyen terme l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) devrait lui aussi être fusionné au sein de la nouvelle agence (Compte rendu du Conseil des ministres du 14 novembre 2018).

2 – L’action banale en réparation du préjudice écologique pur Au-delà de l’énumération qu’il comporte l’article 1248 permet-il effectivement à « toute personne » de prétendre engager une action en réparation du préjudice écologique ? D’emblée il est évidemment exclu que le législateur ait entendu ouvrir une actio popularis c’est-à-dire une action populaire ouverte à tous. En revanche si la doctrine semble en accord pour considérer qu’un intérêt né, actuel et légitime ne posera pas ici de problème, au contraire l’exigence d’un intérêt devant être « personnel » fait l’objet d’une appréciation différente ou du moins laisse planer l’incertitude. Comme le souligne Marion Bary, « l’atteinte à l’environnement ne constitue pas la violation d’un intérêt propre du demandeur ; elle renvoie à la lésion d’un intérêt collectif qu’est la protection de l’environnement. L’action en réparation du préjudice écologique est donc une action attirée » (« L’action en réparation - rapport français », in La responsabilité environnementale – recueil des travaux du GRERCA, 2018, Bruylant, p. 272). Dans ce cadre si personne ne conteste l’intérêt à agir des personnes désignées par l’article 1248 du Code civil comme ayant qualité à agir,

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certains suggèrent que des habilitations jurisprudentielles pourraient élargir le champ de ces personnes désignées. En particulier s’agissant des associations de protection de l’environnement non agréées qui prétendraient agir au nom d’un intérêt collectif entrant dans leur objet social, ces dernières seraient recevables. Néanmoins certaines voix s’élèvent pour « exiger, a minima, que soit établi la consistance du mal subi » (Marie Dugue, « Les préjudices écologiques – Rapport français, op. cit. p. 190). La recevabilité des associations agréées ou non démontrant que leur objet statutaire est affecté par le préjudice écologique dont elles réclament réparation ne nous semble pas faire de doute lorsque leur objet tend à la protection des « éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » (C. civ., art. 1247). Ainsi une association de protection du cadre de vie permis par un environnement sain et plus généralement une association qui tend à la protection des éléments de l’environnement nous semblent assurément recevables. Et l’enjeu est de taille car la question est de savoir si l’exigence de l’agrément ou de l’âge de l’association sont des conditions de textes posées par l’article 1248, de telle sorte qu’elles priveraient les associations ne remplissant pas ces conditions du droit d’agir. François-Guy Trébulle le suggère en considérant que « Le législateur a opté pour une ouverture focalisée de l’action » (« La consécration de l’accueil du préjudice écologique dans le Code civil », Énergie - Environnement Infrastructures n° 11, novembre 2016, étude 20, p. 23). La question s’avère plus délicate pour des associations qui tendent d’abord à l’exploitation d’une ressource naturelle ou à l’exercice d’un sport en pleine nature (fédération de pêche, de chasse, d’usagers des milieux). En fait cette question renvoie à celle plus générale de savoir si les actions en réparation d’une atteinte portée à un élément de l’environnement, approprié ou appropriable, ouvrent de surcroit le droit à réparation du préjudice écologique qui pourrait encore résulter du fait générateur. Il appartiendra à la jurisprudence de trancher cette question. Si l’on admet que des actions banales puissent ainsi intervenir pour réparer civilement les atteintes à l’environnement, on se préserve de l’inertie des administrations et du parquet dans la poursuite des actions en réparation du préjudice écologique, mais on expose aussi le prétoire à la difficulté d’articuler les actions entre elles.

II – La constitution de partie civile en réparation du préjudice écologique La constitution de partie civile permet à la victime d’une infraction pénale d’exercer l’action civile dont l’objet est la réparation de son préjudice et ici en particulier du préjudice écologique.

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À jour de l’introduction du préjudice écologique dans le Code civil

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