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Rougé Lionel, Gay Christophe, Landriève Sylvie, Lefranc-Morin Anaïs, Nicolas Claire (dir.), Réhabiliter le périurbain. Comment vivre et bouger durablement dans ces territoires ?

Matthieu Gateau
Réhabiliter le périurbain
Lionel Rougé, Christophe Gay, Sylvie Landriève, Anais Lefranc-Morin, Claire Nicolas (dir.), Réhabiliter le périurbain. Comment vivre et bouger durablement dans ces territoires ?, Loco, Forum vies mobiles, 2013, 144 p., ISBN : 9782919507177.
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Texte intégral

  • 1 Il s’agit de l’institut de recherche et d’échanges créé en 2011 par la SNCF pour explorer et dévelo (...)

1Rédigé sous la direction d’un géographe et de spécialistes des questions d’urbanisme, de périurbanités, de mobilité ou de développement durable1, ce petit livre de 144 pages fait suite aux travaux des secondes Rencontres Internationales du Forum Vies Mobiles organisées en 2013. Son ambition est explicite puisqu’il s’agit d’éclairer sous un nouveau jour les espaces périurbains et les modes de mobilités qui leur sont adjointes en allant à l’encontre d’un discours largement partagé sur les effets négatifs de cette forme de développement territorial systématiquement associé à l’étalement urbain, à la consommation outrancière d’espaces et d’énergie ou encore au repli de ses habitants sur eux-mêmes. Le mot d’ordre, contenu dans le titre du livre, est clair : il s’agit ici de réhabiliter ces espaces à partir de réflexions et contributions variées telles que des extraits d’entretiens, des comptes rendus d’ouvrage, la présentation de projets ou encore une approche artistique rafraichissante à travers l’usage de nombreuses photographies présentées sous forme de portfolios. S’adressant au plus grand nombre, cet ouvrage interroge plus spécifiquement la transition mobilitaire qui constitue un enjeu clef du développement « durable » de ces territoires.

  • 2 L’étude des mobilités domicile-travail, représentées sous forme cartographique aux pages 28-30, est (...)

2Le livre débute par l’identification des représentations et formes de l’urbanisation et plus spécifiquement des espaces périurbains. En proposant de mieux cerner les définitions du périurbain pour savoir de quoi on parle, les auteurs attirent l’attention du lecteur sur les usages multiples d’une notion non stabilisée, tant à l’échelle nationale qu’européenne. C’est le périmètre même de l’espace périurbain qui est mis ici à mal et vient rappeler qu’il s’agit d’une construction politique et sociale. Dans tous les cas présentés, et c’est le dénominateur commun de ces espaces périurbains, on a affaire à une forme d’urbanisation répandue qui traduit l’aspiration des citoyens à l’habitat individuel en périphérie des espaces urbains et qui, de fait, reste indissociable de l’automobile comme moyen privilégié de locomotion. Généralement défini par sa relation de dépendance à une ou plusieurs villes-centres, le périurbain s’autonomise pourtant de ces dernières et confirme ainsi « l’émergence d’espaces intermédiaires et multi-polarisés » que rend plus aisée la densification automobile2. L’affranchissement des distances, l’équipement des périphéries et la perte d’influence des centres interrogent les évolutions des pratiques d’habitants qui, à l’encontre de certains stéréotypes, développent des réseaux socioprofessionnels, des activités et des ressources locales qui confirment une forme d’ancrage de plus en plus prégnante. A l’image des caractéristiques socioprofessionnelles variées de ceux qui élisent domicile en milieu périurbain, c’est bien la diversité qui caractérise le mieux les modes de vie dans le périurbain, comme en atteste la typologie proposée R. Dodier (p. 33-36). C’est d’ailleurs l’impossible définition du terme périurbain, qui renvoie à la diversité des situations et des représentations pour qualifier ces espaces « entre-deux », qui a conduit les participants de ces rencontres à lui préférer la notion de « rurbain » qui traduirait davantage « une revitalisation de la campagne par l’extension de l’urbanisation » (p. 40).

  • 3 Voir particulièrement sa thèse de doctorat, dirigée par O. Coutard, et intitulée Influences du cont (...)

3Au-delà du débat sémantique, l’ouvrage tente de remettre à plat quelques préjugés qui discriminent le périurbain (ou plutôt, désormais, le « rurbain ») et ses habitants, considérés par beaucoup comme les principaux vecteurs d’un anti-modèle de développement durable. Pourtant, des analyses récentes comme celles d’H. Nessi3 ont montré qu’en cumulant déplacements de loisirs et déplacements professionnels, les habitants des centres-villes effectuent davantage de kilomètres que les habitants du rurbain, notamment en raison de leur lieu de résidence et de leur statut socio-économique. L’ouvrage aborde également la question de l’étude de la circulation des biens et du bilan carbone des ménages qui atteste aussi du fait que si le revenu joue un rôle discriminant, la localisation ne l’est pas et rien ne permet de valider l’hypothèse d’une moindre durabilité du mode de vie des rurbains. A contrario, c’est même la malléabilité et l’adaptabilité de ces territoires et de leurs habitants qui est mise en exergue. La pose de panneaux solaires, la création de potagers, l’extension des maisons individuelles, la réalisation de pistes cyclables, le covoiturage ou encore l’auto-construction sont autant d’illustrations de pratiques en développement qui induisent des stratégies de renoncement comme la réactivation d’anciennes formes de solidarité. L’auto-organisation, avec par exemple la mise en place de pédibus et d’une alter-mobilité, constitue une des modalités d’actions issue des espaces rurbains présentés ici comme des lieux innovants et féconds dans ce processus de transition vers une mobilité durable. Ainsi, comme le montre bien les analyses de X. Desjardins présentées ici, les espaces rurbains peuvent être considérés comme des laboratoires d’expériences en matière de réduction de la dépendance à l’automobile, à travers la création de centres commerciaux de proximité accessibles sans voiture, leur desserte par les transports collectifs ou encore la démocratisation du e-commerce. Le développement de réseaux équipés et sécurisés de pistes cyclables, qui font défaut en France même si la situation s’est améliorée ces quinze dernières années en zones urbaines, est également une voie de réflexion sérieuse si elle s’accompagne d’une redéfinition de la place de l’automobile et du déploiement des transports collectifs, doux et partagés.

4Les différents contributeurs ont également réfléchi au déficit de notoriété et de structuration des modes de transport alternatifs, partant du principe qu’il faut avant tout rationaliser les pratiques individuelles et collectives en se servant des infrastructures existantes, par exemple en favorisant l’intermodalité et l’interconnexion autour des réseaux ferroviaires. En somme et si l’on suit les inquiétudes du sociologue britannique J. Caletrio, synthétisées en fin d’ouvage, la société de l’après-pétrole doit commencer à s’organiser en repensant ses systèmes, multiples, de mobilités. Car si le rurbain est particulièrement concerné par cette problématique, il s’avère que celle-ci touche l’ensemble des territoires, des habitants et de leurs pratiques qui sont en première ligne des changements conséquents qui se profilent.

  • 4 Pour de telles informations, consulter par exemple Dodier R. (dir.), Habiter les espaces périurbain (...)

5Cherchant à déconstruire les représentations plurielles et négatives du phénomène périurbain, cette contribution réussit au moins à le présenter sous un jour nouveau et plus positif. On soulignera à cet égard la pertinence des nombreuses illustrations qui parcourent ce livre, même si l’on peut regretter le manque de mise en valeur de l’outil photographique qui sert ici essentiellement à illustrer la pluralité des regards sur les thématiques abordées. De la même manière, on aurait aimé trouver davantage d’éléments permettant de conceptualiser ces dernières, même s’il est évident que l’objectif de ce livre est ailleurs4. En regroupant les travaux et les réflexions de chercheurs mais aussi d’experts ou de professionnels - avec de nombreuses contributions de spécialistes de la mobilité et donc de la SCNF et de ses satellites -, cet ouvrage de vulgarisation défend l’idée d’une possible gestion durable du développement de la mobilité comme des espaces ordinairement suspectés d’être les moins performants en la matière.

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Notes

1 Il s’agit de l’institut de recherche et d’échanges créé en 2011 par la SNCF pour explorer et développer de nouvelles modalités en matière de mobilités.

2 L’étude des mobilités domicile-travail, représentées sous forme cartographique aux pages 28-30, est particulièrement éclairante en la matière.

3 Voir particulièrement sa thèse de doctorat, dirigée par O. Coutard, et intitulée Influences du contexte urbain et du rapport au cadre de vie sur la mobilité de loisir en Ile-de-Frace et à Rome, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (UPEMLV), École des Ponts ParisTech (ENPC), 2012.

4 Pour de telles informations, consulter par exemple Dodier R. (dir.), Habiter les espaces périurbains, Rennes, PUR, 2012.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Matthieu Gateau, « Rougé Lionel, Gay Christophe, Landriève Sylvie, Lefranc-Morin Anaïs, Nicolas Claire (dir.), Réhabiliter le périurbain. Comment vivre et bouger durablement dans ces territoires ? », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 09 décembre 2013, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/12952 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.12952

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Rédacteur

Matthieu Gateau

Maître de conférences en sociologie à l’Université de Bourgogne, CGC, UMR CNRS 5605.

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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