Extrait "Opérations cartographiques"

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Actes Sud | ENSP ISBN  : 978-2-330-06883-7

Actes Sud | ENSP Dépôt légal  : mars 2017 39 € TTC France www.actes-sud.fr

Opérations cartographiques

Dimensions Corps Matérialités Rencontres Imaginaires

Sous la direction de Jean-Marc Besse & Gilles A. Tiberghien

Opérations cartographiques Actes Sud | ENSP


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Jean-Léon Sanis, Projet de géoplaste, 1860. Fonds Horeau, Académie d’architecture, Paris.

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Jean-Léon Sanis, Projet  : Géoplaste national, impr. de H. Plon, Paris, 1860.

Dimensions

d’où elles ont été tirées. Le plus remarquable de ce dispositif est cependant qu’on peut naviguer sur l’Océan et la Méditerranée, sur des barques à fond plat pouvant accueillir jusqu’à six personnes. Malgré ses insuffisances et ses limites, l’ouvrage de Sanis rencontre un succès certain. De nombreux visiteurs et des personnalités du monde scientifique et politique s’y retrouvent et apportent leur appui. Ainsi, le Journal des débats du 24 octobre 1839 rapporte la visite effectuée par le ministre des Travaux publics, Dufaure, le 20 octobre, à la suite de laquelle celui-ci fait remettre à Sanis toutes les cartes publiées par le Dépôt de la guerre. L’ouvrage disparaît dans un incendie en 1844, mais une vingtaine d’années plus tard, en 1863, Sanis, devenu professeur d’histoire et de géographie au collège Rollin, revient à la charge avec un projet de Géoplaste national, identique dans l’esprit mais encore plus ambitieux dans la taille et dans la forme. « Le Géoplaste national, immense plan en relief, sera construit sur un terrain de forme rectangulaire et d’une contenance de cinq hectares, ou cinquante mille mètres carrés ; son cadre embrassera tous les pays compris entre 35° et 53° latitude Nord ; 18° longitude orientale et 12° longitude occidentale (France actuelle, Espagne et Portugal, Italie, Suisse, Confédération germanique, Belgique, Hollande, partie méridionale de l’Angleterre, Maroc, Algérie et régence de Tunis) 8. » Cette vaste carte, à l’échelle du 10 000e, est délibérément voulue par son auteur comme un espace, voire un paysage, à observer : reprenant


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« Le Géorama de la plaine de Montsouris », Le Monde illustré, nº 899, 4 juillet 1874. Collection particulière.

Cartes sur places

le dispositif imaginé par les concepteurs de jardins géographiques du XVIIIe siècle et de la période révolutionnaire 9, Sanis entoure la carte d’une terrasse de cinq mètres de hauteur, qui « servira de promenade et fera jouir les visiteurs des différentes vues qu’offrira le relief sur tous les points de l’horizon ». La partie supérieure des bâtiments de l’administration, s’élevant à quinze mètres au-dessus du niveau des mers, « formera un observatoire du haut duquel on verra se dérouler le panorama vivant le plus extraordinaire que l’imagination humaine puisse concevoir 10 ». Les idées de Sanis étaient destinées à être reprises. Ainsi, le projet de cette grande carte devenant paysage, l’abbé Frédéric Moigno, mathématicien jésuite, éditeur de l’hebdomadaire de vulgarisation scientifique Cosmos. Revue encyclopédique hebdomadaire des progrès des sciences, s’en était déjà fait le propagandiste auprès des autorités municipales parisiennes. Il ne s’agissait de rien moins, selon lui, que « de faire entrer le géoplaste européen dans les projets d’embellissement du bois de Boulogne 11 ». De taille considérable (quinze hectares, à peu près l’étendue du jardin des Tuileries, ajoute Moigno), ce « géoplaste européen » pouvait être installé « entre la porte d’Orléans et la porte de Madrid, ou entre Passy et la porte Maillot, dans l’espace où l’on voit aujourd’hui le Ranelagh ». De même, en 1863, le rédacteur en chef de La Célébrité, Jean-Antoine Lauthereau, défenseur

Jean-Marc Besse, Face au monde. Atlas, jardins, géoramas, Desclée de Brouwer, Paris, « Arts et esthétique », 2003 ; Daniel Nordman, « Figures géographiques de la France », in Langages de la Révolution (1770-1815). Actes du 4e colloque international de lexicologie politique, Klincksieck, Paris, 1995, p. 431-438.

10 Jean-Léon Sanis, Projet : Géoplaste national, op. cit. 11 Frédéric Moigno, « Cosmoplaste et géoplaste européen », Cosmos. Revue encyclopédique hebdomadaire des progrès des sciences, t. 1, 1852, p. 15.


↑

Mathias Poisson, Entre les dalles, carte de promenade dans le quartier du Colombier Ă Rennes, 2009.


Rencontre entre cartographies et partitions : la figuration de l’expérience

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Mathilde Christmann et Élise Olmedo Dans les années 1960, la prise en considération de l’espace est devenue prégnante dans les productions du monde artistique, en rapport notamment avec l’appréciation de l’échelle corporelle. Le développement des arts de la performance, en explorant la mise en scène des corps dans l’espace, ouvre un nouveau champ de significations culturelles. Ainsi, on assiste depuis quelques décennies à un intérêt généralisé, dans la production de l’espace, pour des approches sensibles et incarnées, créant les conditions d’un rapprochement, et plus encore aujourd’hui, d’une porosité entre les écritures carto-graphiques et choré-graphiques. En tant que « graphies » de la spatialité, ces écritures tentent de décrire les rapports des individus aux espaces, dont le corps, structure percevante, est médiateur. Cheminant à travers plusieurs documents produits par le paysagiste Lawrence Halprin (1916-2009) et l’artiste-marcheur Mathias Poisson (né en 1978 1), nous souhaitons mettre en exergue un rapport spécifique entre carte, partition et expérience de l’espace, traduisant un engagement scriptural envers nos environnements comme lieux du sensible. Ces productions, sans cesse renouvelées selon des situations et des contextes géographiques particuliers, ont en commun d’être élaborées autour de procédés notationnels proches à la fois de la cartographie et de la partition, tout en étant situées aux limites de ces médiums. Cartographie et partition semblent se rencontrer dans la perspective d’explorer une géographie ancrée dans le corps et la pratique. Le paysagiste américain Lawrence Halprin est l’initiateur d’une méthode de conception fondée sur les scores – terme anglo-américain traduit en français par le mot « partition » 2. Époux de la chorégraphe

1

Voir, notamment, Laurence Corbel, « Paysages sensibles de Mathias Poisson : de la marche à la carte, et retour », in Laurent Buffet (dir.), Itinérances : l’art en déplacement, De l’incidence éd., Grenoble, 2012, p. 159-176 ; Mathias Poisson, « Graphie du déplacement », Les Carnets du paysage, no 20, 2010, p. 105-115.

2

Voir, notamment, Gilles A. Tiberghien, « Lawrence Halprin : danse et mouvement du monde », Les Carnets du paysage, « Comme une danse », no 13-14, 2010, p. 49-63. Pour explorer la façon dont Lawrence Halprin a utilisé les scores, voir également l’ouvrage que l’artiste a écrit et publié en 1969, The RSVP Cycles : Creative Processes in the Human Environment, Georges Braziller, New York, 1969. Cet ouvrage est consacré à la question de la partition (score) comme outil de conception transdisciplinaire.


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Corps

La tête et le visage La relation de la carte à la tête ou au visage résulte d’une longue stratification qui dépasse les simples opérations cartographiques. Ainsi, la pratique des paysages anthropomorphes exprime généralement la coïncidence du paysage avec un visage : c’est alors une physionomie, une identité ou un caractère qui sont exprimés, plus que les simples traits d’une partie du corps. La tête est par ailleurs l’objet d’une valorisation séculaire. Platon soulignait dans le Timée l’analogie entre le cosmos et la tête humaine, tous deux sphériques : signe de perfection de l’homme au sein du vivant, et d’une supériorité du spirituel au sein des activités humaines. C’est sans doute l’artiste israélien Michael Druks qui a marqué le plus cette correspondance du visage et de la carte. Son travail conceptuel s’inscrit dans un projet intitulé Druksland (1974). Cet ensemble d’autoportraits naît d’une projection sur son propre visage de quelques lignes régulières qui se déforment aussitôt en « courbes de niveau ». Au-delà d’un exercice qui peut sembler récréatif, l’artiste s’empare de la sémiologie cartographique en raison de la forme universelle, ou tout au moins internationale, qu’il y décèle, lisible bien au-delà des frontières et des continents. Les courbes de niveau et les couleurs altimétriques permettent de rendre compte à la fois d’une physionomie (l’autoportrait comme saisie de l’individualité) et d’une analyse d’un arrière-plan ou d’une profondeur : la zone centrale du front révèle d’abord la mention « territoires occupés », qui barre le front et l’esprit de l’artiste, né en Israël mais résident en Grande-Bretagne. « Y penser toujours, n’en parler jamais » : le pays de l’autoportrait est aussi celui de l’inconscient ou du refoulé. On retrouve les mêmes enjeux à travers des modalités plastiques radicalement différentes chez un autre artiste israélien, David Tartakover. Un visage, le sien, photographié, se trouve maculé d’une tache rouge intense : la carte des territoires occupés (rive ouest). L’espace cartographié, lui-même aveugle et muet, couleur de sang, devient cette fois l’écran qui empêche d’accéder au visage. Dans les deux cas, la carte d’un enjeu territorial majeur est le révélateur d’un visage et d’une identité. Dans le premier, la carte-visage révèle et rend accessible ; dans le second, la carte anti-visage occulte et empêche la compréhension comme la vie. Jessica Vaturi, avec son Google Me (2011), recourt quant à elle à la figure classique du palimpseste : ce qui devait être une simple imagerie médicale dévoile en fait la cartographie d’un territoire inconnu. S’agit-il d’une photo aérienne ou d’une cartographie recomposée ? Des plis figurent le cerveau, qui devient en quelque sorte porteur d’un inconscient cartographique : la tête n’est


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Réincarnations cartographiques

pas plus considérée comme siège de la pensée maîtrisée que la carte ne constitue le territoire. En s’attachant à la relation carte / tête, l’artiste souligne combien les cartes sont profondément inscrites – on pourrait oser le terme « incorporées » – en nous, guidant nos comportements et nos logiques.

La main

Céline Boyer, Geo, 68 ans, Italie, 2013. Tiré de la série Empreintes.

L’Exposition universelle de 1851 à Londres fut visitée par plus de six millions de visiteurs. Il n’est pas étonnant que la complexité des espaces, la variété des objets exposés et le nombre de visiteurs aient conduit à réaliser une carte simple et efficace. Le Hand Guide to London n’est pas seulement un ouvrage commode que l’on tient en main : c’est aussi un plan en forme de main. Sans même recourir à l’index tendu pour indiquer une direction, le creux de la main devient la marque d’une simplicité et d’une forme d’évidence. On retrouve fréquemment cette pratique ; ainsi dans la Jérusalem d’un pays naissant (Jerusalem Upon Your Palm, 1952) ou plus tard à Barcelone avec le travail de l’artiste Marti Guixé (Tourist Tattoo, 1997), présentant les lignes de métro, sinueuses et colorées, serpentant jusqu’au bout des doigts. L’Exposition universelle londonienne de 1851 fut également l’occasion de vendre d’étonnants produits dérivés, tel un gant blanc dessinant les différentes routes jusqu’au Crystal Palace. Plus près de nous, la sncf a recouru un temps à une main cartographiée en guise de pochette pour les billets. Ce dessin du réseau tgv au creux d’une main ouverte était légendé : « Profitez-en pour vous lire la bonne aventure. » Ce plan en apparence bon enfant (en réalité comble du marketing) délaissait la technologie pour mettre en avant la simplicité d’usage. Le recours à la « bonne aventure », lointain écho du « tirer les cartes », devenait ainsi éloge du hasard et du destin. Le dénuement du dessin au trait renforçait également l’aspect personnalisé du diagramme invitant au « voyage à la carte ». Gilles Deleuze a suggéré, dans l’une de ses géoanalyses, la proximité entre la personne et la main : « Chacun de nous est comme une main ou plusieurs mains. On a des lignes, mais des lignes qui ne disent pas l’avenir parce qu’elles ne préexistent pas 12. » À l’opposé d’un prétendu destin ou d’un avenir qui serait déjà écrit, ces lignes de main constituent l’ouverture d’une vie à bâtir, « bordures, pentes ou fuites » dans le vocabulaire

12 Gilles Deleuze, cours du 3 juin 1980, université Paris-VIII-Vincennes (voir URL : http ://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_ article=214).


Mappemonde de Fra Mauro, vers 1450. Manuscrite sur différents parchemins collés sur plusieurs panneaux de bois, trois mille inscriptions rédigées en vénitien, 223 × 223 cm. Monastère camaldule de Saint-Michel de Murano, Venise.


Migrations et métamorphose 235 des formes et des savoirs (Europe – Asie, XIIIe-xviie siècle) Angelo Cattaneo L’histoire de la cartographie, comme la majeure partie des histoires culturelles, est généralement narrée sur une base diachronique, par aires géographiques, politiques et religieuses 1. La recherche et l’historiographie, à partir du xixe siècle, ont favorisé la constitution d’archives, s’alimentant les unes les autres dans un rapport de réciprocité quasi toujours fondé sur des contextes documentaires nationaux. Ce fondement analytique et narratif a le mérite d’avoir initié et d’être, dans le même temps, le résultat d’un dépouillement archivistique sans précédent, qui se concrétise dans un cadre historiographique imposant et structuré, d’une portée universelle 2. Il s’agit toutefois d’un appareil qui, bien qu’annonçant des résultats de grande valeur historiographique et méthodologique, privilégie surtout des formes et des expressions culturelles consolidées, interprétées comme des expressions documentaires sédimentées et établies. Il est cependant moins adapté lorsqu’il s’agit de mettre en évidence et de déchiffrer les processus, le mouvement, la circulation et la migration des savoirs qui se plient à la riche production cartographique, en particulier celle œcuménique ou universelle, qui, de l’Antiquité au début de l’Époque moderne, a toujours été le résultat de processus dynamiques de formation, d’accumulation et de circulation de visions et de savoirs sur le monde. La cartographie œcuménique, visuelle ou littéraire, manuscrite ou imprimée, dans des formes éclectiques et multiples de mappae mundi, de planisphères, d’atlas, de cycles de fresques, de paravents, de traités de géographie de voyage ou astronomiques, est depuis toujours le résultat de dynamiques, opposées seulement en apparence, d’accumulation, de circulation et d’appropriation de savoirs et de formes cosmographiques. De tels facteurs

1

Cet article a bénéficié du support du CHAM – The Portuguese Center of Global History, dans le cadre du projet stratégique financé par la fct – Fundação para a Ciência e a Tecnologia (uid/his/04666/2013).

2

À partir de 1987, les volumes monumentaux de History of Cartography, pensés, organisés et édités par John Brian Harley et David Woodward, publiés par Chicago University Press, ont intégré dans un cadre universel cet établissement archivistique, analytique et narratif. L’œuvre est maintenant disponible dans son intégralité et gratuitement en ligne (voir URL : http ://www.press. uchicago.edu/books/HOC/index.html).


« Plan cochinchinois de la baie et des défenses de la rivière de Tourane, trouvé dans la demeure d’un mandarin militaire, le 15 septembre 1859. » (Légende ajoutée en français.) Papier, papier de Chine, papier calque, aquarelle, 122 x 72 cm. Archives nationales, Paris (AE/II/1985).


Cartographie coloniale et savoirs vernaculaires

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Hélène Blais Captations de savoirs 1859, Tourane (actuelle Dà Nang, Viêtnam) : les marines française et espagnoles sont engagées depuis quelques mois dans une expédition punitive contre l’empereur Tu Duc, après l’assassinat de missionnaires catholiques, et occupent la ville, alors que ses habitants ont fui et que l’armée vietnamienne assiège la péninsule. Conservée dans les archives françaises, ce « Plan cochinchinois trouvé dans la demeure d’un mandarin » est une carte aquarellée dessinée selon les codes cartographiques chinois et vietnamiens, remarquables notamment par le tracé des collines et des cours d’eau, les vues picturales d’habitations villageoises, les rizières (représentées par les carrés verts), les montagnes en perspective, ou encore la représentation figurative des arbres. Cette carte semble avoir eu une fonction militaire, puisque les principaux édifices signalés sont les fortifications de la ville, les postes de garde ou les estacades sur la rivière. Sur la gauche du document, a été collée une feuille sur laquelle sont transcrits puis traduits des toponymes, ordonnancés selon une numérotation continue qui renvoie aux caractères chinois figurant sur le document original. Il apparaît que les militaires français, s’appropriant le document, y ont ajouté une légende. Celle-ci est un tableau de correspondances avec les éléments graphiques figurant sur la carte, en même temps qu’un lexique fonctionnel, laissant penser à un usage pratique du document dans le contexte militaire du siège de Tourane. La carte vietnamienne originale a donc été retravaillée dans cette situation d’expédition militaire : utilisant le dessin comme support, les Français s’emparent du document pour en faire un fond de carte, rendu intelligible par la traduction de certains toponymes dans la légende greffée sur le bord du document. La carte


Howard Horowitz, Manhattan, 1997. Impression couleur sur papier, 91,5 × 46 cm. Première publication dans le New York Times, le 31 août 1997.


Mappe, matrice et méthodes littéraires

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Guillaume Monsaingeon La mise en carte comme méthode de lecture Pour Vladimir Nabokov, le matériau du monde était un chaos que l’auteur devait recomposer et faire entrer en fusion : « se recombinent non seulement ses éléments visibles et superficiels, mais ses atomes mêmes. L’écrivain est le premier homme à en dresser la carte et à donner des noms aux objets naturels qu’il contient 1. » La création littéraire est fondamentalement cartographie d’un territoire qui ne préexiste pas. Tout reste à y faire : nommer, dessiner, expliquer – y compris simplifier, généraliser et déformer, comme dans toute carte qui se respecte. Dès lors, la cartographie constitue une méthode de lecture essentielle. Aux discours vagues, l’analyse littéraire doit préférer les cartes qui rendent visible ce qui, la plupart du temps, n’est pas explicite. Nabokov affirmait ainsi qu’« au lieu de perpétuer l’absurdité prétentieuse de ces titres homériques, chromatiques et viscéraux, les enseignants devraient dresser des cartes de Dublin retraçant clairement les itinéraires entrelacés de Bloom et Stephen 2 ». L’intérêt de Nabokov pour le détail des lieux et des objets l’amenait aussi bien à reconstituer les mécanismes de moulins (pour Don Quichotte de Cervantès) qu’à étudier (pour La Métamorphose de Kafka) les insectes dont il était, par ailleurs, spécialiste. Parce qu’il refusait de réduire la littérature à une imitation du réel, il recommandait le recours au tracé cartographique : cartes de Dublin avec les entrelacs de Bloom et Stephen pour Ulysse de James Joyce, ou encore, pour Mansfield Park de Jane Austen, carte d’Angleterre, plan de la demeure de Sotherton Court et intérieur de Mansfield Park. La cohérence romanesque n’est pas celle d’un espace réel préexistant ; elle possède son autonomie, qu’il convient de « mettre en cartes ». La cartographie devient un outil heuristique qui pénètre au plus profond de la fabrique fictionnelle.

1

Vladimir Nabokov, Littératures, préface de Cécile Guilbert, Robert Laffont, « Bouquins », Paris, 2010, p. 36.

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Vladimir Nabokov, entretien avec Allene Talmey, in Vogue, nº 14, décembre 1969.


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