Un roman coloré sur fond d’histoire

Paul G. DULIEU, Louvain brisé, Traverse et. Couleur livres, 2020, 228 p. 19 €, ISBN : 9782930783338

Le livre de Paul G. Dulieu, Louvain brisé, nous reporte au temps tourmenté de la scission de l’Université catholique de Louvain, les francophones se trouvant exilés de Leuven et appelés à fonder, en terre romane, Louvain-la-Neuve.

On entend les derniers échos de l’affligeant ‘Walen buiten’ quand, au début des années 1970, nous suivons un groupe d’étudiants vivant leurs dernières saisons à l’Université. Logés aux divers étages de la maison communautaire du coiffeur Léopold Vanhove, volontiers bougonnant dans son salon qui ne reçoit guère que ses vieux clients fidèles, les jeunes aux longs cheveux ébouriffés boudent sa tondeuse et ses ciseaux.

Heureusement, son épouse Tatiana se montre, pour les jeunes locataires, une hôtesse affable et souriante.

Au fil des pages bruissantes de leurs discussions, nous apprenons à connaître leurs idées, leurs complicités, leurs dissonances.

Premier en lice, Michel Lespine, dit Michou, à la verve explosive, parfois mordante. Le fils du banquier Honoré Lespine ne ménage pas son père, « ce fossile », dont les humeurs « évoluent selon les cours de la Bourse », son unique passion. Près d’un époux ainsi absorbé, sa mère, qui respirait dans sa jeunesse la joie de vivre, désormais « remplit de bibelots le vide de son existence ».

Et Michou de proclamer hardiment : « La seule loi est celle du désir, et la nudité en est l’expression la plus exaltante ».

Il relèvera le défi que lui lance un compagnon et, un beau matin, fera nu le tour de la Place Ladeuze, évitant de justesse les policiers avertis par une habitante scandalisée.

À ses côtés, nous rencontrons Vincent, qui se rêve inventeur, et s’acharne à découvrir « la formule magique d’incassabilité de la vaisselle ». Au terme d’innombrables assiettes jetées de la lucarne du grenier et fracassées sur le trottoir, il y réussira… !

Yves Dérain, surnommé Bitabit, mangé par des programmes d’informatique à la bibliothèque, au grand dam de son épouse Barbara, infirmière. « Yves ne plonge plus avec passion  dans la Critique de la raison pure, il déchiffre péniblement des modes d’emploi de logiciels. »

Pavel Palach, immigré tchèque, qui a laissé à Prague sa fiancée Nadia. Pavel qui nous réserve quelques surprises…

Le jour de ses vingt ans, fêté avec ses amis, Michou annonce un projet audacieux, sinon farfelu : rallier Prague, épouser Nadia – mariage blanc, bien entendu – pour la rendre à Pavel lorsque, ayant acquis la nationalité belge et obtenu un visa de sortie, elle pourra débarquer dans la vieille cité universitaire et retrouver son bien-aimé.

Périple aventureux, parcours croisés, rebondissements, le roman ne manque ni de rythme ni de couleurs.

Mais on s’en voudrait de ne pas évoquer la silhouette d’une vieille dame à l’intelligence fine et pétillante, Camille Labouverie, qui donne à Pavel des leçons de français… et de philosophie : « ce qui saute eux yeux échappe à l’entendement. As-tu remarqué que la meilleure cachette est la place de l’évidence ? »

Francine Ghysen